Critique Ciné : Exhuma (2025)

Critique Ciné : Exhuma (2025)

Exhuma // De Jang Jae-hyun. Avec Go-eun Kim, Min-sik Choi et Do-hyun Lee.

 

Qu’est-ce que je peux adorer le cinéma d’horreur folklorique. Exhuma (ou Pamyo en version originale) plonge dans un univers méconnu et fascinant : celui des géomanciens, des chamans et des rituels ancestraux coréens. Ce film, bien plus qu’un simple récit horrifique, s’attaque à des croyances profondes, des traditions encore bien vivantes, et le fait avec une intelligence rare. Loin des productions formatées qui se contentent de saupoudrer un peu de folklore pour donner une illusion d’originalité, Exhuma prend le temps d’explorer ses thématiques. Il ne se limite pas à quelques apparitions spectrales ou jump-scares faciles.

 

Deux jeunes chamans sont appelés par une riche famille coréenne expatriée aux États-unis, inquiète du comportement anormal de leur bébé, qu’ils reconnaissent vite comme une malédiction ancestrale. Lorsqu’ils sollicitent l’aide d’un géomancien, leurs pas les conduisent vers une mystérieuse tombe...

 

Il s’appuie sur une mythologie riche et un scénario dense qui, s’il peut paraître chargé, ne perd jamais son spectateur. Présenté au Festival du Film Fantastique de Gérardmer 2025, il fait partie de ces films qui marquent. Ceux qui laissent une empreinte, qui vous hantent bien après la projection. Une œuvre qui rappelle d’autres grandes réussites du genre comme Midsommar ou The Wicker Man, en s’ancrant dans une culture et une ambiance propres à la Corée du Sud. L’intrigue suit un groupe de spécialistes de l’occulte engagés par une riche famille pour lever une malédiction qui touche leurs héritiers. 

 

L’origine du mal semble venir d’une tombe anonyme, mal positionnée selon les principes du feng shui, une erreur qui aurait libéré des forces inquiétantes. Le film démarre comme une enquête surnaturelle, où les chamans et le géomancien doivent comprendre l’origine du phénomène avant d’intervenir. Les rituels sont détaillés avec soin, rendant chaque cérémonie hypnotique. À travers ces scènes, Exhuma ne se contente pas de raconter une histoire, il nous immerge dans un monde où chaque geste a un sens, où chaque incantation possède un poids.

 

Mais alors que l’on pense que tout est résolu, le film prend un virage inattendu. Ce qui semblait être une simple histoire de malédiction familiale s’ouvre sur quelque chose de bien plus vaste. L’exhumation de la tombe n’est que le début d’un cauchemar qui va les entraîner bien plus loin qu’ils ne l’avaient imaginé. L’un des grands atouts du film est son atmosphère. Dès les premières minutes, Exhuma installe un climat pesant, où chaque détail semble chargé de mystère. Les décors, souvent sombres et humides, renforcent ce sentiment d’oppression. Que ce soit les forêts brumeuses, les temples isolés ou les maisons hantées par des secrets enfouis, tout concourt à nous plonger dans un univers où le surnaturel n’est jamais loin.

 

La mise en scène de Jang Jae-hyun est précise. Il prend son temps, installe une tension qui ne retombe jamais totalement. Pas de précipitation, pas de surenchère. Juste une montée progressive vers l’horreur, un crescendo parfaitement maîtrisé qui fait que l’on reste accroché du début à la fin. Le film joue aussi sur une imagerie forte, entre visions cauchemardesques et symboles culturels marquants. Les scènes de rituels, notamment, sont impressionnantes. On ressent tout le poids de ces traditions, leur importance et leur pouvoir. 

 

C’est ce qui distingue Exhuma des productions occidentales qui traitent souvent l’exorcisme comme une simple confrontation entre le bien et le mal. Ici, tout est plus nuancé, plus ancré dans une réalité culturelle qui lui donne une dimension unique. Le film repose sur un casting solide. Chaque personnage apporte une dynamique différente, qu’il s’agisse du géomancien, des chamans ou des membres de la famille maudite. Leur jeu est mesuré, crédible, loin des caricatures que l’on pourrait attendre d’un film traitant du surnaturel. Choi Min-sik, qui incarne le géomancien, impose une présence forte. 

 

Son personnage, à la fois pragmatique et respectueux des traditions, est au cœur de l’histoire. Il incarne ce lien entre le passé et le présent, entre la science et la superstition. À ses côtés, Kim Go-eun et Lee Do-hyun, qui jouent deux chamans aux méthodes différentes, apportent une complémentarité intéressante. L’un est plus spirituel, l’autre plus terre-à-terre. Cette dualité enrichit le film, montrant que le surnaturel n’est pas une science exacte, qu’il y a plusieurs façons d’interpréter et de combattre les forces qui échappent à la raison. Leur évolution tout au long du récit est prenante. 

 

Ils commencent en simples spécialistes appelés pour régler un problème précis, mais vont peu à peu être confrontés à des enjeux bien plus grands. Ce glissement progressif vers quelque chose d’incontrôlable fonctionne très bien et maintient l’intérêt jusqu’à la fin. Là où Exhuma surprend, c’est dans sa structure narrative. Alors que l’on pense avoir saisi l’enjeu principal, le film bifurque. Ce qui aurait pu être un récit linéaire se transforme en quelque chose de bien plus labyrinthique. Ce choix peut désarçonner. Certains apprécieront cette ambition, cette envie de proposer un film dense, qui ne se contente pas d’un schéma classique. D’autres pourront trouver que cela dilue un peu la tension initiale. 

 

Car si la première partie du film est marquée par une angoisse omniprésente, la seconde prend un virage plus mystique, presque épique par moments. Ce basculement ne gâche pas l’expérience, mais il change la nature du film. Ceux qui s’attendaient à une montée en tension continue pourraient être déstabilisés. Mais ceux qui aiment être surpris et bousculés trouveront dans cette évolution une richesse supplémentaire. Exhuma n’est pas un film d’horreur comme les autres. Il ne cherche pas uniquement à faire peur, mais à explorer des croyances, à questionner la place des morts dans la vie des vivants. Il parle de traditions, de transmission, de secrets enfouis que l’on préfère ignorer.

 

C’est un film qui s’apprécie autant pour son ambiance que pour son propos. Une œuvre qui, même une fois terminée, continue de trotter dans la tête. Certaines images restent gravées, certains rituels semblent encore résonner. Si l’on aime le cinéma d’horreur qui va au-delà du simple divertissement, Exhuma est une expérience à ne pas manquer. Il s’inscrit dans cette lignée de films qui, à l’image de Midsommar ou The Wicker Man, utilisent l’horreur pour parler d’autre chose. Pour interroger, pour plonger le spectateur dans un univers à la fois fascinant et inquiétant. Une chose est sûre : après Exhuma, difficile de voir les cimetières de la même manière.

 

Note : 9/10. En bref, un voyage fascinant au coeur de l’horreur folklorique coréenne. 

Présenté en compétition du Festival du film international fantastique de Gérardmer 2025.

Prochainement en France

 

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