Critique Ciné : Grafted (2025)

Critique Ciné : Grafted (2025)

Grafted // De Sasha Rainbow. Avec Jess Hong, Mark Mitchinson et Jared Turner.

 

Le body horror est un sous-genre fascinant qui, lorsqu'il est bien exploité, peut dévoiler des angoisses profondes liées à l'identité, au corps et aux transformations qu'il subit. Grafted, réalisé par Sasha Rainbow, tente de s'inscrire dans cette lignée en abordant les thèmes de la beauté et de l'acceptation de soi à travers le parcours d'une étudiante chinoise en Nouvelle-Zélande. Si l'intention est louable et que certains aspects visuels fonctionnent, l'ensemble peine à s'imposer par un récit solide et une exécution convaincante. Le film s'ouvre sur une atmosphère intrigante, où l'esthétique sino-kiwi confère une identité visuelle marquante. 

 

Wei, une jeune femme chinoise brillante, mais souffrant d’un handicap physique, part étudier dans une prestigieuse université en Nouvelle-Zélande. Peinant à se faire des amis, elle poursuit les recherches de son père, un scientifique décédé, pour créer un sérum de beauté et devenir ainsi belle et populaire.

 

Wei, incarnée par Joyena Sun, est une étudiante marquée par une différence physique qui influence sa perception d'elle-même et son intégration dans un nouvel environnement. Son passé familial complexe, notamment la disparition de son père scientifique, ajoute une dimension dramatique à son parcours. Les premières minutes du film captivent grâce à une mise en scène immersive et un jeu d'acteur qui parvient à transmettre les doutes et les ambitions du personnage principal. La promesse d'une histoire où le body horror servirait de métaphore pour traiter les thématiques d'acceptation de soi et de pression sociale semble alors prendre forme.

 

Si le concept du film repose sur des éléments intéressants, notamment la découverte d'une substance capable de modifier la peau, l'exécution du body horror ne parvient pas toujours à s'intégrer de manière fluide à la narration. Les effets pratiques sont réussis et offrent quelques scènes visuellement marquantes, mais le scénario manque de subtilité pour exploiter pleinement ces transformations corporelles. Certaines transitions paraissent abruptes, laissant des zones d'ombre sur la logique interne du film. Par exemple, les changements physiques de Wei semblent passer inaperçus aux yeux de ceux qui l'entourent, ce qui affaiblit la crédibilité du récit. 

 

Au lieu de renforcer l'angoisse et la tension, ces incohérences créent une distance qui empêche de s'investir pleinement dans l'histoire. Grafted tente d'aborder des thématiques importantes, comme la difficulté pour une jeune immigrée de s'intégrer dans une société qui ne lui ressemble pas ou encore la pression exercée par les standards de beauté. Cependant, les personnages qui entourent Wei manquent de nuance et donnent l'impression d'être uniquement là pour justifier ses actes plutôt que pour enrichir l'intrigue. Sa cousine Angela, déconnectée de ses origines, et son amie Eve, incarnation stéréotypée de la beauté superficielle, apparaissent comme des antagonistes sans réelle profondeur. 

 

De même, Paul, le professeur manipulateur, joue un rôle prévisible sans apporter de surprise ou de tension supplémentaire. Cette absence de subtilité dans l'écriture des personnages affaiblit le message que le film cherche à transmettre sur l'identité et l'acceptation. Le film explore la transformation physique comme un moyen d'atteindre une certaine idéalisation de soi, mais il peine à donner une réelle profondeur à ce propos. L'influence de films comme The Substance ou Eyes Without a Face est présente, mais Grafted ne parvient pas à développer une véritable réflexion sur la perception du corps et la pression sociale qui l'entoure.

 

Plutôt que de proposer une analyse subtile des sacrifices faits pour correspondre à des standards inatteignables, le film préfère multiplier les scènes choquantes sans toujours leur donner un sens profond. L'horreur corporelle devient un simple outil esthétique plutôt qu'un véritable levier narratif. Alors que le film s'achemine vers son climax, il semble plus préoccupé par le choc visuel que par la cohérence de son dénouement. Les enjeux mis en place au début ne trouvent pas toujours une conclusion satisfaisante, et certaines scènes qui auraient pu être marquantes finissent par perdre de leur force faute d'une résolution bien amenée.

 

Là où des films comme The Substance parviennent à allier body horror et critique sociale avec une grande maîtrise, Grafted semble s'arrêter à mi-chemin, laissant un goût d'inachevé. L'absence d'une conclusion percutante renforce l'impression que le film aurait pu aller plus loin dans ses thèmes sans pour autant sacrifier son impact horrifique. Grafted avait le potentiel pour offrir une relecture originale du body horror en abordant des thèmes contemporains avec un regard personnel. 

 

Si la première partie du film installe une ambiance immersive et propose des idées visuelles intrigantes, l'ensemble finit par s'essouffler en raison d'un scénario trop balisé et d'un traitement superficiel de ses thèmes. Le film n'est pas dénué d'intérêt et trouvera probablement son public chez les amateurs de body horror comme moi, mais il laisse une impression mitigée. Avec un meilleur équilibre entre forme et fond, il aurait pu marquer davantage les esprits et offrir une réflexion plus profonde sur la perception du corps et l'obsession de la beauté.

 

Note : 5/10. En bref, une réflexion sur l’apparence qui manque de profondeur et dont le scénario s’étiole au fur et à mesure que le film avance. 

Présenté en compétition du Festival du film international fantastique de Gérardmer 2025. 

Prochainement en France. Disponible sur Shudder, accessible via un VPN.

 

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