11 Avril 2025
The Studio // Saison 1. Episode 4. The Missing Reel.
L’épisode 4 de la série The Studio, intitulé "The Missing Reel", propose une virée singulière dans les coulisses du septième art. Après trois premiers épisodes marqués par une rythmique comique efficace et un sens visuel bien affirmé, cette nouvelle partie semble adopter un ton plus installé. Moins dans l’exubérance mais loin d'être en retrait, l’intrigue joue avec les codes du film noir, tout en dessinant en creux une réflexion sur l’évolution du médium cinématographique. Tout démarre avec la disparition d’une bobine de pellicule lors du tournage de Rolling Blackout, un film réalisé par Olivia Wilde, pastiche assumé de Chinatown situé dans le milieu des panneaux solaires à Los Angeles.
Cette bobine contient une scène cruciale du troisième acte ainsi qu'un caméo de la réalisatrice elle-même. Le problème ? Seulement neuf des dix bobines ont été livrées au laboratoire. La tension monte. Pour Matt, producteur persuadé de « maintenir le film vivant à lui seul », le choc est double : d’abord parce que c’est lui qui a plaidé pour un tournage sur pellicule, ensuite parce qu’une telle perte pourrait compromettre d’autres projets futurs tournés en film. En ces temps où le numérique domine, chaque dérapage est une menace pour ceux qui persistent à défendre le support physique.
La mission de récupération de la bobine manquante devient donc un enjeu personnel. Accompagné de Sal, Matt endosse presque le rôle du privé dans un polar moderne. Mais ici, pas de clichés forcés. La parodie est esquivée au profit de touches subtiles : une voix off improvisée via un dictaphone, un trench coat déguisant une teinture ratée, et un rythme narratif qui colle à l’enquête sans surjouer les références. L'enquête, justement, s’appuie sur une série de détails aussi absurdes que significatifs. Olivia Wilde dégage une odeur d’alcool étrange, Zac Efron a laissé une enveloppe de cash dans sa loge, et une photo prise juste après le dernier jour de tournage montre un tatouage suspect.
Chaque élément semble pointer vers un coup monté, mais les vérités se dérobent au fur et à mesure que l’on avance. Le point culminant se situe au Chateau Marmont, lieu emblématique de Hollywood, où Matt pense découvrir une preuve décisive. Il s’y retrouve en plein wrap party qu’il avait refusé de financer, et qu’Efron et Sal ont improvisé dans son dos. L’ambiance tourne alors à la comédie de situation, avec son lot de quiproquos, de déguisements et de déceptions. Ce qui frappe dans cet épisode, c’est la manière dont il révèle les fissures de l'industrie. Matt, obsédé par l’authenticité de la pellicule, incarne une vision romanesque du cinéma, opposée à une réalité où l’efficacité du numérique a conquis les esprits.
Une scène en particulier, où il s’adresse à un projectionniste peu convaincu, expose cette tension : là où Matt voit de la vie dans chaque grain d’image, l’autre n’y voit qu’une contrainte logistique. Mais The Studio ne se contente pas d’opposer deux visions. Il montre aussi les zones grises, les compromissions, les caprices, les décisions prises par intérêt ou par ego. Wilde, soupçonnée d’avoir organisé le vol, finit par avouer qu’elle voulait tout simplement forcer une nouvelle prise de vue, insatisfaite du résultat original. L’acte est révélateur d’un perfectionnisme borderline, mais aussi d’une volonté de maîtrise sur sa propre création. Une envie d’exister dans un système qui n’offre pas toujours l’espace pour le faire.
Et pourtant, la séquence finale prend un tournant presque poétique. Dans un geste symbolique, Wilde expose la bobine à la lumière, la détruisant de fait. La pellicule déroule la colline hollywoodienne comme une métaphore de ce qui s’échappe, de ce qui se perd. C’est beau sans être appuyé. Ce moment, aussi absurde que mélancolique, conclut un épisode qui explore bien plus qu’un simple vol. Il interroge la mémoire du médium, le coût de l’intégrité artistique, et les choix économiques qui pèsent sur la création. En creux, il parle aussi de désillusion, de nostalgie, de ce que c’est que d’aimer un art qui se transforme.
L’épisode n’oublie pas d’être drôle pour autant. Il garde cette fluidité narrative, ce sens du rythme, et des dialogues qui font mouche. Les performances des acteurs, Zac Efron en tête, viennent nourrir cette ambiance entre satire et tendresse. La présence de Wilde, en à peine détournement de son propre personnage public, donne une touche supplémentaire à cette mise en abîme. À travers cette enquête improbable, The Studio livre un commentaire nuancé sur l’état du cinéma contemporain. Ni nostalgique ni cynique, l’épisode regarde en face un monde où la pellicule peut être perçue comme un luxe inutile, mais où elle garde, pour certains, une valeur symbolique profonde.
Matt vendra finalement sa voiture pour financer les reshoots, bouclant ainsi la boucle : sacrifier un objet du passé pour sauver une image. « The Missing Reel » n’est pas l’épisode le plus bruyant ni le plus spectaculaire de The Studio. Mais il marque un tournant dans la saison : une prise de conscience de ses propres enjeux, un recentrage sur ses personnages, et une façon plus directe de parler de l’industrie qu’elle dépeint. Une façon de dire qu’après le rire vient le temps de la réflexion. Et peut-être aussi, du choix.
Note : 8/10. En bref, avec ce quatrième épisode, The Studio rappelle que derrière chaque comédie bien huilée, il y a souvent une vérité plus amère. Et que parfois, un simple bout de film peut contenir bien plus qu’une scène ratée : une idée du cinéma, une obsession, voire une carrière entière.
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