Critiques Séries : Elsbeth. Saison 3. Episode 1.

Critiques Séries : Elsbeth. Saison 3. Episode 1.

Elsbeth // Saison 3. Episode 1. Yes, And.

 

La troisième saison d’Elsbeth s’ouvre sur un décor inattendu : celui des plateaux télé, où le vernis du divertissement cache un climat de tension et de rancune. Fidèle à sa manière d’explorer les milieux de travail comme des microcosmes de pouvoir et d’ego, la série nous plonge cette fois dans les coulisses d’un talk-show où les rires sont forcés et les sourires, une obligation contractuelle. Le meurtre de Scotty Bristol, animateur vedette d’un late-night show, sert de point de départ à un épisode qui interroge la toxicité du succès et la manière dont la cruauté peut se déguiser en humour. 

 

Joué par Stephen Colbert, qui s’amuse ici à détourner sa propre image publique, Scotty est un patron redouté : il humilie ses auteurs, méprise ses invités et transforme la moindre salle d’écriture en arène. Son décès accidentel — une cravate coincée dans une déchiqueteuse — intrigue immédiatement Elsbeth, de retour d’un séjour en Écosse, encore en plein jet-lag mais fidèle à son instinct. Dès les premières minutes, un manque se fait sentir. L’absence de Kaya Blanke, partie en mission d’infiltration à la fin de la saison 2, laisse un vide émotionnel et professionnel. La nouvelle venue, l’officier Hackett, peine encore à trouver sa place. Sa complicité avec Elsbeth n’a pas la même fluidité que celle que partageait cette dernière avec Kaya. 

On ressent une forme de prudence mutuelle, un rodage nécessaire, mais aussi une nostalgie implicite qui habite chaque regard ou silence. Elsbeth, en observatrice sensible, tente de composer avec ce nouvel équilibre. Elle garde le ton léger, mais ses gestes trahissent un certain flottement. Comme dans les épisodes précédents, la série réussit à glisser de petites touches d’humanité dans la mécanique du polar. Ce n’est pas seulement une enquête, mais une manière de dire que les relations de travail – qu’elles soient dans un commissariat ou sur un plateau télé – sont toujours des terrains mouvants où la loyauté se met à l’épreuve.

 

Le meurtre de Scotty pourrait n’être qu’un fait divers spectaculaire, mais Elsbeth lui donne une dimension plus symbolique. Le choix de la déchiqueteuse comme arme du crime n’est pas anodin : elle incarne à la fois le contrôle et la destruction. Scotty déchirait les idées des autres sans scrupules, et c’est finalement cette arrogance qui cause sa perte. La mise en scène de l’épisode s’amuse à brouiller les pistes entre accident et vengeance préméditée. Laurel, la productrice et ancienne amie du défunt, feint la séduction pour mieux exécuter sa revanche. Ce crime « poétique » fonctionne presque comme un commentaire sur le monde du travail : la pression constante, les humiliations et la fatigue finissent toujours par produire des fissures.

On retrouve ici la patte de la série, cette capacité à transformer un meurtre en étude de comportement. Comme dans l’épisode “Ramen Holiday” de la saison précédente, où la prison devenait un théâtre social miniature, le studio télé devient à son tour une scène où chacun joue un rôle pour survivre. Ce premier épisode fait aussi de l’humour un thème central. Entre blagues ratées, ego froissés et « improvisation » mal placée, il montre comment la comédie peut être à la fois un outil de pouvoir et un masque émotionnel. Elsbeth, en bonne observatrice, comprend vite que les non-dits et les improvisations contiennent souvent plus de vérité que les aveux. 

 

Sa façon de résoudre l’affaire en reprenant les principes de l’improvisation — le fameux “Yes, and” — est un clin d’œil intelligent à la logique même de la série : écouter, rebondir, et transformer les incohérences en indices. Cette approche intuitive, presque artisanale, contraste toujours avec le pragmatisme de ses collègues. En parallèle de l’enquête, Elsbeth continue de creuser les tensions internes au commissariat. Les coupes budgétaires imposées par le capitaine Wagner rappellent étrangement les difficultés du monde de la télévision, notamment celles de CBS évoquées avec ironie dans l’épisode. La disparition du café gratuit, les fournitures rationnées et les corbeilles non vidées deviennent des symboles de la précarité déguisée en rationalisation.

Elsbeth, fidèle à sa bienveillance, refuse de voir son équipe s’effriter sous le poids de ces décisions. Sa conversation avec Wagner, calme mais ferme, souligne ce qui fait sa force : une forme d’humanité têtue. Elle ne s’oppose pas frontalement, elle répare, recolle, apaise. Ce contraste entre la froideur administrative et la chaleur humaine est au cœur de l’épisode. Ce retour de Elsbeth n’a pas la force émotionnelle du final de la saison 2, mais il s’installe dans une continuité cohérente. Après le chaos de “Ramen Holiday” et le départ de Kaya, la série semble chercher un nouveau souffle sans renier son identité. L’intrigue est solide, le ton reste familier, mais quelque chose paraît encore en suspens — comme si Elsbeth elle-même devait retrouver ses repères.

 

L’épisode fonctionne comme une remise à zéro : nouvelles dynamiques, nouveaux visages, et un rappel que la série, au fond, parle de résilience. Elsbeth avance, observe, s’adapte, sans perdre ce regard curieux qui fait sa singularité. L’ouverture de la saison 3 d’Elsbeth s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseures : une enquête bien ficelée, des dialogues précis et une lecture fine des rapports humains. Le changement d’environnement — d’une prison pleine de faux-semblants à un plateau télé saturé d’ego — permet de continuer à explorer ce que la série fait de mieux : révéler les fractures derrière les sourires.

L’absence de Kaya se ressent, mais elle sert aussi à rappeler que les partenariats, comme les saisons, évoluent. Et si cet épisode ne provoque pas le même élan émotionnel que les précédents, il prépare discrètement le terrain pour une nouvelle phase : celle d’une Elsbeth peut-être plus seule, mais toujours lucide, drôle et déterminée à trouver du sens là où il semble s’être dissous.

 

Note : 6/10. En bref, un retour en demi-teinte mais fidèle à son univers.

Prochainement sur TF1 et TF1+

 

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