30 Octobre 2025
La deuxième saison de Everyone Else Burns poursuit l’exploration du quotidien singulier de la famille Lewis, toujours prisonnière de sa communauté religieuse aux accents apocalyptiques. Après une première saison qui posait les bases d’un univers absurde mais attachant, cette nouvelle salve de six épisodes pousse plus loin la réflexion sur la foi, la soumission et la liberté individuelle, tout en gardant son ton décalé. Le décor reste le même : une banlieue de Manchester, un foyer où tout semble organisé autour de l’attente du Jugement dernier, et un père persuadé que la fin du monde n’est qu’une question de jours.
Mais derrière la farce, cette saison met davantage en lumière la tension entre croyance et contrôle, entre humour et malaise. L’une des premières choses qui frappent dans cette saison, c’est le glissement du ton. L’absurdité pure de la première saison, où les scènes ressemblaient à des sketches quasi surréalistes, laisse place à une ambiance plus inconfortable. Le rire reste présent, mais il s’accompagne souvent d’un léger malaise. L’intrigue centrale autour du retour des mariages arrangés au sein de la communauté illustre bien ce changement. Rachel, la fille du couple, se retrouve au cœur de cette nouvelle directive religieuse. L’idée d’être « choisie » pour épouser un inconnu sert de fil rouge à la saison, tout en révélant l’emprise du groupe sur les individus.
Ce thème aurait pu verser dans la caricature, mais il soulève au contraire une question intéressante : jusqu’où peut aller la foi quand elle devient un instrument de pouvoir ? Simon Bird reprend son rôle de David, père de famille aussi zélé qu’aveuglé. Toujours convaincu de son devoir spirituel, il continue à diriger sa maison comme une petite église. Ce qui rend ce personnage intriguant, c’est qu’il ne se pense jamais malveillant. Il agit par conviction, persuadé de protéger les siens, alors qu’il ne fait que renforcer les murs qui les enferment. Cette ambivalence rend la série plus nuancée qu’elle n’y paraît. David n’est pas un tyran brutal, mais un homme enfermé dans ses certitudes.
Ses maladresses, parfois risibles, n’effacent pas la tristesse sous-jacente de sa situation : celle d’un croyant qui ne comprend plus le monde qui l’entoure. Face à lui, Fiona, interprétée par Kate O’Flynn, incarne la contradiction permanente. Mère dévouée, femme résignée, mais aussi esprit curieux, elle oscille entre loyauté et désir d’émancipation. Ses interactions avec Andrew, un membre de l’église, introduisent une tension émotionnelle inattendue. Ce n’est pas une intrigue romantique classique, mais plutôt un élan vers quelque chose de différent, un souffle de liberté dans une existence étouffée. La présence de Melissa, la voisine plus libérée, joue aussi un rôle important.
À travers elle, Fiona entrevoit une autre manière de vivre, moins régie par les dogmes. Cette amitié ambiguë, entre fascination et peur du jugement, devient l’un des fils les plus intéressants de la saison. Rachel, la fille aînée, incarne la résistance silencieuse. Privée de son rêve d’université, elle se débat entre son envie d’indépendance et la pression de son entourage. Son parcours dans cette saison, entre désillusion et confrontation, apporte une dimension plus dramatique à la série. Son nouveau prétendant, Jeb, influenceur chrétien un peu lunaire, apporte un contraste savoureux. Il est à la fois ridicule et sincère, représentant cette modernité de façade qui se mêle étrangement aux traditions les plus archaïques.
Leur relation, construite sur un malentendu permanent, reflète bien l’absurdité d’une communauté qui veut à la fois vivre avec son temps et rejeter tout ce qui le symbolise. Ce qui fonctionne dans Everyone Else Burns, c’est cette capacité à naviguer entre la satire et la bienveillance. La série ne traite jamais ses personnages avec mépris, même les plus fanatiques. Ils sont ridicules, certes, mais profondément humains. Cette humanité, discrète mais constante, empêche la série de devenir une simple moquerie de la foi. Dillon Mapletoft, le co-créateur, s’inspire clairement d’expériences vécues, mais il ne cherche pas à régler des comptes.
Son écriture met en scène des personnages enfermés dans un système de pensée, tout en les rendant attachants. Il y a une forme d’empathie pour ceux qui croient trop fort, une compassion pour ceux qui suivent sans comprendre. L’arrivée de Maude, interprétée par Sian Clifford, bouscule un peu la dynamique. Cette nouvelle venue, figure autoritaire et mystérieuse, voit en David une sorte de partenaire spirituel idéal. Son obsession pour lui déclenche une série de quiproquos qui flirtent parfois avec la farce pure. Mais derrière cette intrigue se cache une réflexion sur le pouvoir religieux et la manipulation émotionnelle. Maude croit sincèrement agir pour le bien de la communauté, mais son zèle révèle surtout une soif de contrôle.
Sa présence met en lumière la fragilité du couple Lewis, et surtout la capacité du culte à dévorer ceux qui s’y dévouent. Malgré son sujet sombre, la série continue de fonctionner comme une comédie. Les dialogues restent vifs, les situations absurdes se multiplient, et certains moments frôlent le burlesque. Mais tout cela repose sur un équilibre délicat : faire rire sans trahir la gravité du propos. C’est sans doute ce qui rend cette saison intéressante. Elle parle d’une communauté extrême, mais elle résonne avec des situations bien plus ordinaires : la pression familiale, la peur de désobéir, le besoin d’être accepté. Sous ses airs de sitcom rétro, Everyone Else Burns parle avant tout de dépendance émotionnelle et de croyance aveugle.
Ce mélange d’humour et de critique rend la série parfois déstabilisante. Certaines scènes font sourire, d’autres mettent mal à l’aise. C’est une comédie où l’on rit de ce qu’on ne devrait pas, où chaque gag dissimule une pointe de vérité inconfortable. Et c’est peut-être là sa plus grande réussite : elle ne cherche pas à faire rire à tout prix, mais à montrer comment le rire peut coexister avec la peur, la foi ou la culpabilité. Cette deuxième saison d’Everyone Else Burns prolonge une réflexion sur la croyance et la soumission. Elle reste imparfaite, parfois inégale, mais profondément sincère dans sa démarche.
Entre satire et chronique familiale, elle réussit à raconter une histoire de foi dévoyée sans perdre de vue ce qu’il y a d’humain derrière les dogmes. Dans un paysage télévisuel saturé de comédies formatées, cette série conserve une voix singulière, celle d’une fiction qui ose parler du rire comme d’un acte de survie.
Note : 6.5/10. En bref, cette deuxième saison d’Everyone Else Burns prolonge une réflexion sur la croyance et la soumission. Elle reste imparfaite, parfois inégale, mais profondément sincère dans sa démarche.
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