25 Septembre 2024
Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles // De Lyne Charlebois. Avec Alexandre Goyette, Mylène MacKay et Rachel Graton.
Le film Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles, réalisé par Lyne Charlebois, propose une immersion dans une histoire d’amitié profonde entre deux figures marquantes du patrimoine scientifique québécois : le frère Marie-Victorin et son élève Marcelle Gauvreau. En transposant à l'écran cette relation qui mêle amour de la nature et échanges intellectuels, le film invite le spectateur à une réflexion sur les rapports humains, la nature et la curiosité intellectuelle. En arrière-plan de ce récit, deux acteurs contemporains, Antoine et Roxane, se questionnent sur leur propre intimité en incarnant ces personnages historiques. Cette mise en abyme offre une dimension supplémentaire au film, explorant les tensions entre l'époque actuelle et le passé. L’œuvre de Lyne Charlebois se distingue par la manière dont elle adapte la correspondance entre Marie-Victorin et Marcelle Gauvreau, datant des années 1930. Ce dialogue épistolaire, axé sur la sexualité, les désirs humains et la relation à la nature, est transposé à l’écran avec une grande sensibilité.
Le Frère Marie-Victorin se lie d’amitié avec son étudiante Marcelle Gauvreau. Tous deux ont frôlé la mort et partagent le même amour de Dieu et de la nature. Plus tard, elle devient sa collaboratrice. Dans un échange épistolaire qui durera jusqu'à la mort de Marie-Victorin, ils explorent les désirs humains et la « biologie sans voile ». Ce grand amour chaste, l’amour de la flore québécoise pousse Antoine et Roxane, qui les incarnent à l'écran, à s’interroger sur leur propre rapport à l’amour et la Nature.
Cependant, au lieu de s'appuyer sur les codes classiques du film biographique, la cinéaste propose une réflexion plus contemporaine. Elle juxtapose deux époques, en mettant en scène les questions existentielles d’Antoine et Roxane, qui résonnent avec celles de leurs personnages historiques. Bien que le film ne se concentre pas uniquement sur les aspects romantiques de cette correspondance, il dépeint avec finesse la beauté et la complexité de cette relation. La dimension mystique et chaste de l’amitié entre Marie-Victorin et Marcelle est mise en relief, tout comme leur amour commun pour la flore québécoise, qui occupe une place centrale dans le film. L'une des grandes réussites de ce film réside dans sa mise en scène, qui favorise l’introspection et l’émerveillement. Les dialogues, inspirés des lettres échangées entre Marie-Victorin et Marcelle Gauvreau, sont à la fois poétiques et profonds. Si, au début, le ton littéraire peut surprendre, il finit par séduire par sa sincérité et sa profondeur.
La cinéaste rend hommage aux mots, qui deviennent un vecteur de découverte et de réflexion sur des sujets intimes tels que la sensualité, la curiosité scientifique et l’histoire érotique et religieuse du Québec. De plus, la photographie du film est particulièrement soignée. À travers de magnifiques paysages, la caméra met en valeur la beauté et la fragilité de la nature québécoise. Les scènes tournées en pleine nature, qui évoquent la fascination qu’éprouvaient Marie-Victorin et Marcelle pour la flore, sont d’une grande poésie visuelle. Le film nous rappelle ainsi à quel point l'homme est lié à la nature, mais aussi à quel point il peut en être distant. Au-delà de la simple relation épistolaire, le film aborde des questions plus larges sur les relations humaines et amoureuses. Antoine et Roxane, les deux acteurs qui incarnent Marie-Victorin et Marcelle, sont eux-mêmes confrontés à des questionnements sur leur intimité et leurs désirs. En rejouant cette histoire du passé, ils se retrouvent à réfléchir à leur propre relation, ce qui apporte une profondeur supplémentaire à l’intrigue.
Ce jeu de miroirs entre passé et présent incite le spectateur à s’interroger sur la nature des rapports amoureux contemporains, souvent marqués par la superficialité et la marchandisation. En mettant en scène une relation empreinte de tendresse et de curiosité, Charlebois invite à une réflexion sur ce qui a été perdu dans les relations humaines d’aujourd'hui, tout en soulignant que l’ouverture à l’autre et la découverte de soi restent des thèmes intemporels. Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles est aussi un hommage vibrant à deux grandes figures scientifiques du Québec : le frère Marie-Victorin et Marcelle Gauvreau. Trop longtemps restée dans l’ombre de son mentor, Marcelle est ici mise en lumière, non seulement comme une étudiante, mais comme une femme de savoir et de passion, qui a joué un rôle clé dans la diffusion des connaissances botaniques. La reconstitution historique du film est minutieuse, et la réalisation met en avant les contrastes entre les époques, notamment à travers les costumes, les décors et les attitudes des personnages.
Marie-Victorin est dépeint comme un homme sûr de lui, à la fois dans sa relation avec sa sœur, une religieuse influente, et dans ses interactions avec Marcelle. Ces scènes, tout en nuance, révèlent les tensions et les attentes de l’époque, tout en explorant les limites imposées par la religion et les conventions sociales. En conclusion, Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles est un film qui touche par sa délicatesse et sa profondeur. Il ne se contente pas de raconter une histoire d’amour ou d’amitié, mais propose une véritable réflexion sur les rapports humains, la sensualité, et la nature. À travers une mise en scène contemplative et une photographie sublime, Lyne Charlebois parvient à créer un parallèle entre la beauté et la fragilité de la nature et celles des émotions humaines. Ce film est une invitation à s’interroger sur nos propres relations, notre rapport à la nature et à la connaissance, tout en rendant hommage à deux figures importantes du patrimoine québécois, dont les voix résonnent encore aujourd'hui.
Note : 6.5/10. En bref, la beauté de la nature et de l’intime.
Prochainement en France
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