Critique Ciné : Mémoires d'un escargot (2025)

Critique Ciné : Mémoires d'un escargot (2025)

Mémoires d’un Escargot // De Adam Elliot. Avec la voix de Jacki Weaver, Sarah Snook et Kodi Smit-McPhee.

 

Dans le monde de l’animation, il est rare de tomber sur un film qui parvient à conjuguer profondeur émotionnelle, humour subtil, et réflexion sociétale. Mémoires d’un Escargot, signé par le talentueux australien Adam Elliot, s’impose comme une œuvre magistrale qui redéfinit les codes du genre. Quinze ans après l’inoubliable Mary & Max, Elliot revient avec une création aussi poignante qu’originale, confirmant sa maîtrise unique de la narration animée. Au cœur de Mémoires d’un Escargot, on trouve Grace et Gilbert, deux jumeaux plongés dans une existence marquée par les tragédies. Séparés après la mort de leurs parents, ces deux âmes en quête d’un nouveau souffle de vie naviguent à travers un monde austère, mais non dénué d’éclats de lumière. 

 

À la mort de son père, la vie heureuse et marginale de Grace Pudel, collectionneuse d’escargots et passionnée de lecture, vole en éclats. Arrachée à son frère jumeau Gilbert, elle atterrit dans une famille d’accueil à l’autre bout de l’Australie. Suspendue aux lettres de son frère, ignorée par ses tuteurs et harcelée par ses camarades de classe, Grace s’enfonce dans le désespoir. Jusqu’à la rencontre salvatrice avec Pinky, une octogénaire excentrique qui va lui apprendre à aimer la vie et à sortir de sa coquille…

 

Ce récit familial, empreint de mélancolie et d’humour, dévoile des thèmes complexes qui résonnent profondément avec les maux de notre époque. Ce n’est pas seulement une histoire de résilience ou de survie face à l’adversité ; c’est aussi une exploration des relations humaines, des traumatismes, et de la capacité de l’âme à trouver de l’espoir dans les coins les plus sombres. La dualité entre la tristesse palpable et les touches d’humour parfaitement dosées donne au film un équilibre rare et captivant. L’un des points forts de ce film réside dans sa technique d’animation en stop-motion, un art délicat et exigeant. 

 

Alors que cette méthode se fait plus discrète dans l’animation contemporaine, Adam Elliot prouve une nouvelle fois qu’elle peut offrir une profondeur et une texture visuelle incomparables. Les teintes brunâtres et grises dominent l’écran, renforçant l’atmosphère mélancolique, mais l’attention méticuleuse portée aux détails confère au film une esthétique envoûtante. Chaque plan regorge de subtilités à découvrir, des expressions des personnages aux éléments du décor, témoignant d’un artisanat exceptionnel. Cette approche confère au film un charme intemporel qui se démarque des productions numériques plus conventionnelles.

 

Grace, véritable pilier de l’histoire, incarne une héroïne à la fois vulnérable et forte. À travers ses épreuves, elle illustre le combat universel pour trouver du sens et de la connexion dans un monde souvent cruel. Gilbert, son frère, apporte une perspective complémentaire, enrichissant une dynamique qui est au cœur de l’intrigue. Les personnages secondaires, bien que parfois éphémères, marquent également les esprits. Une vieille dame excentrique, dont chaque apparition suscite à la fois rires et réflexions, vole notamment la vedette. C’est cette capacité d’Adam Elliot à insuffler de la vie et de l’authenticité à ses créations qui rend son univers si immersif.

 

Mémoires d’un Escargot ne se contente pas de raconter une belle histoire. Il s’aventure sur des terrains audacieux, abordant des sujets rarement explorés dans le cinéma d’animation : l’alcoolisme, la dépression, l’extrémisme religieux, l’homosexualité, ou encore l’Alzheimer. Ce n’est pas un film pour enfants, ni même pour tous les adolescents. Il s’adresse avant tout à un public adulte, prêt à réfléchir et à ressentir. Malgré la densité des thématiques, le film ne sombre jamais dans le pathos ou la surenchère. La narration fluide et subtile permet d’aborder ces sujets avec une légèreté qui n’enlève rien à leur gravité. Chaque thématique est intégrée de manière organique, créant un ensemble cohérent et profondément humain.

 

Là où d’autres réalisateurs auraient pu se perdre dans une ambiance trop pesante, Adam Elliot insuffle un humour sincère et salvateur. Ce n’est pas un humour noir ou cynique, mais un humour qui naît de situations absurdes, de dialogues bien sentis, et d’une voix off irrésistiblement drôle. Ces moments de légèreté permettent de contrebalancer la noirceur du récit, offrant une expérience émotionnelle riche et nuancée. Au-delà de son intrigue, Mémoires d’un Escargot propose une véritable réflexion sur notre société contemporaine. À travers les épreuves des jumeaux, le film pointe du doigt certains travers bien actuels : l’opportunisme, la solitude, et le besoin de connexion humaine dans un monde de plus en plus fragmenté. 

 

Pourtant, malgré son ton parfois sombre, le film laisse entrevoir une lueur d’espoir. Cette lumière se trouve dans les relations humaines, dans ces instants fugaces où deux âmes se rencontrent et se comprennent. Adam Elliot rappelle avec une rare délicatesse qu’il suffit parfois d’un lien sincère pour transformer une vie. En somme, Mémoires d’un Escargot est bien plus qu’un simple film d’animation. C’est une œuvre d’art qui touche à l’essence même de ce que signifie être humain. Son mélange unique de mélancolie, de beauté visuelle, et d’humour en fait une expérience inoubliable, qui reste avec vous bien après le générique de fin.

 

Si l’animation est souvent perçue comme un genre destiné aux enfants, ce film prouve qu’elle peut aussi être un medium puissant pour aborder des thématiques adultes avec sensibilité et profondeur. Adam Elliot livre ici un bijou cinématographique à ne pas manquer, un véritable écrin de velours pour une aventure aussi mature que lumineuse.

 

Note : 8/10. En bref, un très beau film d’animation à la croisée de l’émotion et de l’introspection. 

Sorti le 15 janvier 2025 au cinéma

 

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