17 Février 2025
C’est le monde à l’envers // De Nicolas Vanier. Avec Michaël Youn, Barbara Schulz et Eric Elmosnino.
Le cinéma s’est souvent essayé à mélanger humour et critique sociale, avec plus ou moins de succès. C’est le monde à l’envers, réalisé par Nicolas Vanier, ambitionne de s’inscrire dans cette lignée en imaginant un monde post-effondrement où les rôles sont inversés. Un trader parisien, habitué au confort et à la spéculation, se retrouve contraint de s’installer dans une ferme du Morvan, face à des néoruraux convaincus et des paysans au caractère bien trempé. L’idée de départ avait du potentiel, mais le résultat laisse perplexe.
C’est la crise, tout s’arrête : plus d’eau, plus d’électricité, plus de réseau… Stanislas, homme d’affaire parisien, perd tout y compris sa fortune. Lui qui déteste la campagne est contraint de partir se réfugier avec sa femme et son fils dans une des exploitations agricoles qu’il avait acquise dans un but spéculatif. Mais à son arrivée, il se retrouve face à Patrick et sa famille, agriculteurs exploitants des lieux, qui n’ont pas l’intention de quitter la ferme… Dans cette atmosphère chaotique où tout est inversé, nos deux familles que tout oppose parviendront-elles à cohabiter pour survivre et peut-être reconstruire ensemble un nouveau monde ?
Le film semble hésiter entre plusieurs directions : satire sociale, comédie burlesque ou fable écologique ? À vouloir tout raconter, il finit par ne plus vraiment dire grand-chose. Après une introduction prometteuse sur l’apocalypse urbaine, la narration s’embourbe dans un retour à la terre caricatural, où chaque personnage incarne un archétype sans nuances. L’humour, parfois efficace, peine à masquer une écriture inégale et un message qui manque de profondeur. L’ouverture du film est engageante. Voir un trader, incarné par Michaël Youn, confronté à l’effondrement de son monde crée une dynamique intrigante.
On assiste à la panique des classes privilégiées face à une situation qu’elles n’ont jamais envisagée, et le ton initial, oscillant entre cynisme et comédie, fonctionne plutôt bien. Mais une fois cette phase passée, le film change radicalement d’ambiance. L’arrivée à la campagne aurait pu être l’occasion d’un vrai contraste, d’un regard plus subtil sur l’adaptation et les contradictions de chacun. Pourtant, le scénario se contente d’une opposition binaire : d’un côté, des citadins dépassés, et de l’autre, des ruraux tantôt bourrus, tantôt illuminés, sans réelle profondeur.
L’histoire tourne alors en rond, multipliant les situations convenues et les conflits artificiels. L’écriture manque d’équilibre. Certains passages sont surjoués, notamment dans la manière dont les personnages expriment leurs convictions. Le film force tellement le trait qu’il devient difficile de croire en cette histoire. Loin d’un regard nuancé sur la transition écologique ou la résilience, C’est le monde à l’envers se limite à une succession de clichés qui empêchent toute réflexion plus fine. Le choix de Michaël Youn pour incarner ce financier parachuté en pleine campagne pouvait sembler audacieux, mais son interprétation oscille entre surjeu et manque de subtilité.
Son personnage aurait gagné à être plus nuancé, entre arrogance initiale et apprentissage progressif, mais le scénario ne lui laisse pas vraiment cette opportunité. Face à lui, Éric Elmosnino joue le rôle du paysan grincheux, mais son interprétation manque de naturel, donnant l’impression d’une caricature plus que d’un véritable personnage. François Berléand, en vieil agriculteur dépassé par son époque, semble lui aussi enfermé dans un rôle sans véritable évolution. Yannick Noah, qui incarne un néorural détendu et en harmonie avec la nature, s’en sort plutôt bien malgré son manque d’expérience en tant qu’acteur.
Il apporte une certaine légèreté à son personnage, mais celui-ci reste cantonné à un discours tout fait sur l’écologie et l’autonomie, sans véritable profondeur. Nicolas Vanier, connu pour ses films sur la nature, offre quelques belles images de paysages, mais la mise en scène manque globalement d’inspiration. Le film semble hésiter entre différents styles, et cette incertitude se ressent dans la réalisation. Certains passages, notamment ceux liés à la survie des citadins en milieu rural, auraient pu être mieux exploités pour renforcer la tension dramatique ou l’humour de situation.
Mais la mise en scène ne parvient pas à installer un vrai rythme. Certaines scènes s’éternisent sans raison, tandis que d’autres, qui auraient mérité plus d’attention, sont expédiées trop rapidement. Le montage irrégulier n’aide pas à maintenir l’attention. Après un début dynamique, le film ralentit considérablement, rendant la deuxième partie laborieuse. Il y avait pourtant matière à créer une évolution plus fluide des personnages et à installer un vrai contraste entre leurs visions du monde. Derrière cette comédie se cache un message écologique et social, mais celui-ci peine à se structurer.
Le film semble vouloir critiquer la société de consommation et la déconnexion des urbains face aux réalités rurales, tout en mettant en avant une vision idéalisée du retour à la terre. Pourtant, cette réflexion est brouillée par une approche trop simpliste des enjeux. Les dialogues, qui auraient pu être un point fort, manquent de naturel. Beaucoup de répliques sonnent forcées, comme si les personnages ne faisaient qu’énoncer des idées toutes faites au lieu de véritablement interagir. L’humour, parfois efficace, tombe souvent à plat, faute de subtilité.
L’opposition entre les différents modes de vie aurait pu être plus nuancée, mais le film préfère une approche binaire. L’idée d’un citadin arrogant qui apprend l’importance du collectif et d’un fermier bourru qui découvre que l’adaptation est nécessaire aurait pu donner lieu à des interactions plus fines. Malheureusement, tout est trop appuyé pour fonctionner pleinement. C’est le monde à l’envers souffre d’un manque d’audace. L’idée de départ aurait pu donner lieu à une véritable satire sociale, explorant avec plus de profondeur les absurdités de notre société et les paradoxes de la transition écologique.
Mais le film reste en surface, préférant des oppositions caricaturales à une réflexion plus poussée. Le mélange entre comédie et message écologique aurait pu être plus inspiré, en jouant sur des situations plus subtiles et en développant davantage les personnages. Mais le scénario manque de finesse, et l’ensemble finit par ressembler à un enchaînement de saynètes qui peinent à s’imbriquer. Trop sérieux pour être une vraie comédie, trop léger pour être une critique pertinente, il se retrouve coincé entre deux ambitions qu’il ne parvient pas à concilier. Ce film avait tout pour être une fable drôle et piquante sur notre époque, mais il passe à côté de son sujet.
Si quelques scènes parviennent à arracher un sourire et que l’idée de départ était intéressante, l’exécution manque de précision. Entre des personnages trop caricaturaux, un humour inégal et un message confus, C’est le monde à l’envers peine à convaincre. L’histoire aurait mérité plus de nuances et un regard plus affûté sur les paradoxes de notre société. Ceux qui cherchent un divertissement léger pourront peut-être apprécier certaines situations cocasses et le décalage entre les personnages. Mais pour ceux qui espéraient une satire mordante ou une réflexion originale, le film risque de laisser un goût d’inachevé.
Note : 3/10. En bref, après une introduction plutôt correcte, le film s’enlise et se perd en chemin. C’est le monde à l’envers illustre bien son propre titre : un projet qui partait d’une bonne intention mais qui finit par se perdre dans ses contradictions.
Sorti le 16 octobre 2024 au cinéma - Disponible en VOD
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