Critiques Séries : Elsbeth. Saison 2. Episode 17.

Critiques Séries : Elsbeth. Saison 2. Episode 17.

Elsbeth // Saison 2. Episode 17. Four-Body Problem.

 

L’univers d’Elsbeth continue de s’installer dans des recoins très spécifiques de New York. Après les grands restaurants, les tribunaux, ou encore les coulisses du théâtre indépendant, l’épisode 17 nous emmène cette fois dans un lieu moins souvent exploré à l’écran : une maison funéraire de Harlem, tenue par la même famille depuis quatre générations. Ce cadre n’a rien d’anodin. À travers cette immersion dans un microcosme où les apparences doivent être impeccables jusqu’à la mort, la série interroge une fois de plus les limites entre loyauté, vérité, et réputation. L’épisode s’ouvre sur Arthur Greene, directeur d’une entreprise de pompes funèbres haut de gamme. 

 

Il incarne cette tradition familiale pesante, où l’excellence du service prime sur tout. Une philosophie résumée d’une phrase : on peut avoir plusieurs mariages, mais on n’a qu’un seul enterrement. Cette pression du « sans faute » va prendre un tour bien plus sombre lorsqu’un membre de la famille remet en question une ancienne affaire… et ose évoquer la possibilité d’un faux enterrement. Ce proche, c’est Russell, neveu d’Arthur, qui s’est lancé sur YouTube dans une croisade autour de la mort supposée de N.D. Longacre, célèbre autrice new-yorkaise. Pour lui, rien ne colle. Cérémonie à cercueil fermé, incohérences dans les témoignages… 

Et cette intuition persistante que Longacre est peut-être bien vivante. Voire qu’elle aurait écrit en secret le scénario de Get Out. Russell fait du bruit, et son insistance menace de ternir l’image bien contrôlée de la maison Greene. L’étau se resserre, et Arthur choisit alors une solution radicale : le silence éternel pour son neveu. Ce qui rend ce meurtre particulièrement glaçant, c’est la motivation derrière. Arthur n’agit pas par intérêt financier immédiat ou par panique. Son geste semble presque rationnel dans sa logique interne : préserver l’honneur de son père, Randolph, ancien directeur de l’entreprise aujourd’hui atteint de démence. 

 

C’est ce même père qui aurait, par erreur, inversé deux corps : celui de l’écrivaine Longacre avec celui de son chien, Polly. L’absurdité du quiproquo ne rend pas la situation moins tragique. Arthur, ayant promis de ne jamais ouvrir le cercueil de Longacre, choisit de dissimuler la vérité à tout prix. Ce motif familial résonne avec d’autres épisodes de la série, notamment l’épisode 16, où la question de l’image publique d’une figure d’autorité était déjà au centre. Mais ici, ce n’est pas un juge ou un chef d’entreprise que l’on protège — c’est un souvenir, un mythe personnel. L’erreur de Randolph n’est plus qu’un symptôme d’un passé fragile qu’on refuse de regarder en face.

Dans cet épisode, Elsbeth et Kaya enquêtent chacune de leur côté, mais suivent deux fils rouges qui finissent par se rejoindre. D’un côté, Elsbeth est amenée à rencontrer Barb, une proche de Russell, adepte d’hypothèses alternatives (elle préfère ce terme à « théories du complot »). De l’autre, Kaya se retrouve à écoper d’un classique : la permanence téléphonique. Une mission que la série traite sans condescendance, avec même un petit clin d’œil humoristique — l’appel d’une vieille dame persuadée que Russell est vivant… alors qu’il s’agit d’un raton laveur qui fouille sa cuisine. Cet équilibre entre absurde et sérieux est caractéristique d’Elsbeth. 

 

Et ici, il fonctionne d’autant mieux qu’il permet aux enquêtrices de ne pas tomber dans l’arrogance. Contrairement à d’autres fictions policières où l’instinct est toujours infaillible, la série prend soin de rappeler qu’il faut parfois suivre une intuition même farfelue pour découvrir une vérité. Un autre moment marquant de l’épisode se joue dans le duo formé par Elsbeth et l’officier Chandler, nouvellement introduit. D’habitude, c’est elle qui déroute les autres par son débit de parole et ses associations d’idées inattendues. Mais cette fois, elle se retrouve face à un policier aussi loquace qu’elle. 

Ce jeu de miroir, à la fois comique et révélateur, donne à voir une facette d’Elsbeth qu’on perçoit peu : celle de la personne qui, pour une fois, se sent dépassée verbalement. Ce n’est pas juste un ressort comique : cela inscrit Elsbeth dans une dynamique de remise en question. Après plusieurs épisodes où elle prend de l’assurance dans sa manière d’opérer, ce nouvel interlocuteur vient remettre un peu de grain à moudre. La série montre ainsi que même les personnages les plus expérimentés doivent continuer à s’adapter. En fin d’épisode, un rappel bref mais efficace ramène le spectateur à l’arc principal de la saison : la réouverture potentielle d’une affaire de meurtre impliquant un juge respecté. 

 

Le capitaine Kershaw prévient Wagner des conséquences possibles de cette démarche. La tension monte, mais à la manière d’Elsbeth : à petits pas, sans effets spectaculaires, en distillant juste ce qu’il faut d’alerte pour que le spectateur sache que la suite s’annonce plus tendue. Cette stratégie d’écriture, qu’on retrouve dans les épisodes précédents, notamment le 14 et le 15, permet à la série de jouer sur plusieurs niveaux. Chaque affaire hebdomadaire se suffit à elle-même, mais les fils narratifs s’entrelacent pour construire quelque chose de plus large, sans forcer. L’épisode 17 réussit un équilibre délicat entre satire douce du milieu funéraire et exploration humaine de la culpabilité. 

Arthur n’est pas un psychopathe ni un grand manipulateur. Il est un homme enfermé dans une promesse, incapable de prendre de la distance. Ce sont ces nuances, déjà présentes dans d’autres antagonistes de la série — comme le minimaliste obsédé de l’épisode 16 ou la cheffe d’équipe tyrannique de l’épisode 12 — qui donnent à Elsbeth son ton particulier. La série n’excuse jamais les actes, mais elle s’intéresse toujours aux mécanismes derrière. Ici, le refus d’un homme d’admettre que son père a pu faire une erreur, même minime, aboutit à un crime absurde. Et cette absurdité, la série sait l’exposer sans en rire aux dépens de ses personnages.

 

Au fond, cet épisode n’est pas seulement une enquête autour d’un enterrement suspect. Il interroge ce que l’on fait de la mémoire des autres. Doit-on à tout prix protéger une réputation ? Faut-il absolument maintenir intacte une version des faits, quitte à dissimuler la réalité ? À travers Arthur et Randolph, la série pose la question du deuil non assumé, du poids des promesses, et de ce que ça coûte de les tenir envers et contre tout. 

 

Note : 8/10. En bref, sans avoir besoin de retournement spectaculaire ni de pathos, Elsbeth continue de creuser des thématiques complexes avec une légèreté apparente. Et si l’on sent que la saison approche de son climax, cet épisode fonctionne comme un jalon solide, à la fois indépendant et relié à la toile plus vaste qui se tisse depuis plusieurs semaines.

Prochainement sur TF1 et TF1+

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