Dying for Sex (Mini-séries, 8 épisodes) : quand la fin de vie devient un manifeste de liberté sexuelle

Dying for Sex (Mini-séries, 8 épisodes) : quand la fin de vie devient un manifeste de liberté sexuelle

La sexualité féminine à l’écran a souvent été racontée à travers un prisme simpliste, réduit à quelques scènes censées faire monter la température ou renforcer un cliché. La mini-série Dying for Sex, disponible sur Disney+, choisit une autre voie. Celle d’un regard profondément intime, dérangeant, parfois drôle, souvent inconfortable, mais résolument honnête sur le désir d’une femme qui apprend qu’elle va mourir. Huit épisodes, une trajectoire fulgurante, et une certitude qui émerge : la mort n’interrompt pas la vie. Elle peut même la précipiter dans une intensité qu’on n’imaginait plus.

 

Molly, une femme atteinte d'un cancer du sein, quitte son mari après 15 ans de mariage, et commence à explorer sa sexualité. Pour se lancer dans cette nouvelle aventure, elle bénéficie du soutien de sa meilleure amie, Nikki, qui reste à ses côtés jusqu'au bout.

 

Tout commence dans un cabinet de thérapie de couple. Molly apprend qu’elle est en phase terminale d’un cancer du sein. La scène est glaçante par son absurdité : son mari, Steve, semble soulagé. Voilà des mois qu’il ne la touche plus, qu’il la soigne sans la désirer. Le verdict médical vient clore une relation déjà morte depuis longtemps. Mais Molly, elle, décide de ne pas se laisser mourir vivante. Elle quitte Steve, appelle sa meilleure amie Nikki, et déclare qu’elle veut vivre ce qu’elle n’a jamais osé : du sexe, du vrai, du bon, du sale, du libérateur.

 

Cette impulsion ne vient pas de nulle part. Molly n’a jamais eu d’orgasme avec un partenaire. Son corps a longtemps été une terre étrangère, façonnée par une éducation marquée par la honte, les abus, le silence. C’est au bord de l’effondrement qu’elle choisit la reconquête.vChaque épisode suit une nouvelle étape de ce parcours sexuel. Masturbation devant un modèle nu, applications de rencontres spécialisées, soirées BDSM, jeux de rôle, « pup play », domination, cock cage… Molly n’élude rien. Pas par goût de la provocation, mais parce que le temps presse, et que tout est à découvrir. 

 

Le regard de la série n’est jamais voyeur. Il est introspectif. Le sexe n’est filmé que lorsqu’il fait sens pour Molly. Il n’est jamais là pour faire joli. L’intérêt est ailleurs : dans les silences, les malaises, les échecs, les révélations. Molly cherche, tâtonne, se heurte à ses limites, découvre les siennes. Un jeune homme lui demande ce qu’elle aime ; elle ne sait pas répondre. Elle n’a jamais pris ce temps-là. Ce n’est qu’à travers les expériences, parfois absurdes, parfois bouleversantes, qu’elle apprend ce que veut dire « vouloir ».

 

Rapidement, une constante émerge dans ses explorations : le plaisir passe par la domination. Molly aime prendre le contrôle, inverser les rôles, imposer son désir. Et ce goût-là, loin d’être caricatural, entre en résonance avec ce que son corps traverse. Fatiguée par les traitements, fragilisée physiquement, elle découvre dans le BDSM une manière d’exister autrement. Dominer ne passe pas toujours par la force. Cela peut être un échange de regards, un mot, une position. Le sexe devient performance, mais aussi réparation.

 

La série ne s’attarde pas sur la pornographie du corps malade. Elle refuse aussi de montrer Molly comme une héroïne tragique. Elle est simplement humaine. Parfois drôle, parfois crue, souvent contradictoire. C’est peut-être là sa plus grande force : ne rien simplifier. Au cœur du récit, il y a Nikki. Présente dès la première scène, elle devient l’alliée inconditionnelle. Elle s’occupe de Molly, l’aide à organiser ses rendez-vous, gère les urgences médicales, les débordements émotionnels, les rendez-vous ratés. Leur relation évolue, parfois jusqu’à la fusion, souvent jusqu’à l’épuisement.

 

C’est dans cette dynamique que la série touche juste. L’amitié, ici, n’est pas un décor secondaire. Elle est l’histoire d’amour principale. Nikki ne juge jamais. Elle soutient, elle rit, elle pleure, elle craque aussi. Elle accepte que Molly soit plus que la maladie, qu’elle soit aussi désir, rage, tendresse, incohérence. Elle accepte même d’être éclaboussée, au sens propre comme au figuré. La scène où elle dit garder les vêtements tachés du sang de Molly comme des souvenirs bouleversants est d’une vérité rare.

 

Dying for Sex refuse les récits tout tracés. La série aborde aussi bien la déshumanisation du système de santé américain que les réminiscences d’un traumatisme d’enfance. Molly est confrontée à des médecins dépassés, à une mère absente, à une société qui ne sait pas quoi faire d’une femme qui meurt mais ne veut pas disparaître. L’une des idées fortes de la série est de faire dialoguer sexe et mort. Non pas en opposition, mais en complémentarité. Tous deux sont viscéraux. Tous deux ramènent à l’essentiel. Molly dit à un moment que « sexe et mort sont les deux seules vérités irréfutables ». Cette phrase pourrait résumer toute l’œuvre.

 

Et c’est peut-être pour ça que, malgré le thème, malgré la fin annoncée, malgré l’agonie, la série respire une forme d’énergie. Pas une joie béate. Plutôt une urgence à vivre, à comprendre, à sentir, à aimer. Même mal. Même vite. Même tard. Michelle Williams incarne Molly avec une justesse qui évite le pathos. Elle est à la fois vulnérable et provocante, fatiguée et pleine de feu. Elle ne cherche pas à plaire. Elle incarne. Jenny Slate, en Nikki, est bouleversante. Leur duo porte l’histoire sans jamais tomber dans l’artifice. Quant aux personnages secondaires, ils existent surtout comme catalyseurs de l’expérience de Molly. 

 

Le mari, les amants, les voisins… tous sont des fragments du miroir qu’elle tente de reconstituer. Certains ne font que passer. D’autres marquent davantage. Mais tous participent à cette reconstruction finale. Huit épisodes de 30 minutes. C’est peu. Trop peu ? Peut-être. Certains aspects semblent effleurés, comme la relation avec la mère, le passé traumatique, les enjeux médicaux. Mais il y a aussi une cohérence dans ce format. Molly court contre le temps. Elle le dit, elle le sait. Et la série épouse cette vitesse. Ce désordre. Cette frénésie.

 

Il en résulte un récit déséquilibré, parfois frustrant. Mais aussi profondément fidèle à son sujet. Tout ne peut pas être dit. Tout ne peut pas être vécu. Mais tout ce qui est montré ici a un poids, une épaisseur, une vérité. Dying for Sex ne donne pas de leçon. Elle ne cherche pas à choquer, ni à rassurer. Elle montre un bout de vie dans ce qu’il a de plus intime, de plus inconfortable, de plus vrai. C’est un récit qui parle de sexe, oui, mais surtout de ce que cela signifie d’exister dans un corps condamné. Et de refuser que cela définisse tout.

 

Il n’y a pas de morale. Juste une trajectoire. Celle d’une femme qui, face à la mort, choisit d’aimer son corps, ses envies, ses limites, et celles des autres. Et c’est peut-être dans ce choix-là que se trouve, au fond, une forme de liberté. Même fugace. Même imparfaite.

 

Note : 9/10. En bref, Dying for Sex ne donne pas de leçon. Elle ne cherche pas à choquer, ni à rassurer. Elle montre un bout de vie dans ce qu’il a de plus intime, de plus inconfortable, de plus vrai. C’est un récit qui parle de sexe, oui, mais surtout de ce que cela signifie d’exister dans un corps condamné. Et de refuser que cela définisse tout.

Disponible sur Disney+

 

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