5 Novembre 2025
T’as pas changé // De Jérôme Commandeur. Avec Laurent Lafitte, François Damiens, Vanessa Paradis et Jérôme Commandeur.
T’as pas changé, le troisième long-métrage de Jérôme Commandeur, ne cherchent pas à révolutionner le cinéma, mais simplement à parler de nous – de nos amitiés, de nos regrets, de ce qu’il reste des années qui filent trop vite. Inspiré du film suédois Reunion (2009, Klassfesten en VO), ce long-métrage s’offre un casting quatre étoiles – Vanessa Paradis, François Damiens, Laurent Lafitte et Commandeur lui-même – pour raconter une retrouvaille entre anciens du lycée, trente ans après la fin des années 90. Ce n’est pas seulement une comédie de retrouvailles, mais une plongée dans le miroir du temps, où chacun découvre que, sous la nostalgie, se cachent des blessures encore ouvertes.
Suite à un événement aussi loufoque que tragique, quatre anciens lycéens cabossés se télescopent et font face à leur passé. La force du groupe suffira-t-elle à les remettre droits ?
Le point de départ est simple : un groupe de quinquagénaires se retrouve pour un grand dîner d’anciens élèves, trois décennies après avoir quitté le lycée. Chacun a pris une route différente, avec ses réussites, ses échecs, ses compromis. Derrière les sourires forcés et les accolades gênées, T’as pas changé explore ce moment où les illusions d’hier se confrontent à la réalité d’aujourd’hui. Il y a François Damiens, touchant dans un rôle plus grave qu’à l’accoutumée, celui d’un homme blessé par la vie, un peu perdu dans ses propres regrets. Vanessa Paradis campe une femme divorcée, plus fragile qu’elle ne veut l’admettre.
Laurent Lafitte, quant à lui, joue avec justesse le pitre lucide, conscient de sa situation mais refusant d’abandonner son rôle d’amuseur. Et Jérôme Commandeur orchestre cette bande avec tendresse, sans jamais forcer la mélancolie. Derrière l’humour, il y a ce regard tendre sur la cinquantaine, sur ces vies qui n’ont pas forcément pris la direction espérée. Ce n’est pas triste, c’est simplement humain. Le film s’affiche comme une comédie dramatique, alternant légèreté et profondeur avec une aisance rare. Les dialogues, souvent drôles, trouvent leur rythme dans des situations bien observées : la scène du mariage, par exemple, déclenche des rires francs avant de basculer vers une émotion inattendue.
Commandeur maîtrise cette écriture à mi-chemin entre le sketch et le moment de vérité, où le comique de situation sert toujours à révéler un fond plus intime. Le rire ne vient pas d’un gag forcé, mais d’un reconnaissance familière : ces petites phrases, ces maladresses qu’on retrouve dans nos propres repas d’anciens. Et quand le film se fait plus grave, il le fait sans pathos. Le ton reste simple, sincère, presque pudique. C’est peut-être là sa plus belle réussite : faire réfléchir sans jamais moraliser. Si le film fonctionne, c’est d’abord grâce à son casting impeccable. Vanessa Paradis apporte une douceur mélancolique, avec une présence qui capte immédiatement l’attention.
François Damiens, qu’on attend souvent dans l’excès, joue ici la retenue, avec une émotion discrète mais réelle. Laurent Lafitte, toujours à l’aise dans la comédie, surprend par sa lucidité désenchantée : il reste drôle, mais derrière le masque perce une vraie tristesse. Quant à Jérôme Commandeur, il confirme qu’il est plus qu’un humoriste : un conteur sincère, capable de rire de ses personnages sans les juger. Les seconds rôles ne sont pas en reste : Delphine Baril et Catherine Allégret livrent des prestations attachantes, souvent pleines de justesse. Leur complicité rend l’ensemble vivant, naturel, presque improvisé par moments – ce qui participe au charme du film.
Commandeur ne cherche pas l’esbroufe visuelle. Sa mise en scène reste classique et fluide, concentrée sur les visages, les silences, les regards qui en disent long. Cette simplicité est bienvenue dans un genre où beaucoup cherchent à surjouer la nostalgie. La reconstitution des années 1990 est subtile : pas de clichés rétro à tout-va, juste des détails glissés ici et là – une chanson, une rediffusion d’Une famille formidable, un décor familier – qui ancrent le film dans une époque sans en faire un musée. T’as pas changé n’est pas un film sur le passé, mais sur la façon dont on vit avec lui. Les personnages ne cherchent pas tant à retrouver leur jeunesse qu’à comprendre ce qu’ils en ont fait.
Le film aborde avec finesse des thèmes universels : le regret, la peur de vieillir, le besoin d’être reconnu, la fidélité à soi-même. Loin du cynisme, Commandeur propose une vision réconfortante : la force du groupe comme remède au désenchantement. Ces retrouvailles, d’abord maladroites, finissent par permettre à chacun de se réconcilier un peu avec sa vie. Tout n’est pas parfait : certaines situations paraissent un peu convenues, et la dernière partie verse dans quelques facilités narratives. Mais malgré ces accrocs, T’as pas changé reste profondément humain. Le film gagne en intensité dans son dernier quart d’heure, où les masques tombent enfin.
Ce final, simple et émouvant, donne un vrai sens au titre : les gens changent, mais au fond, ils restent les mêmes. Les blessures évoluent, les rires reviennent, et le temps, finalement, adoucit plus qu’il ne détruit. Film après film, Jérôme Commandeur s’impose comme l’un des rares cinéastes français à faire rire sans méchanceté. Il aime ses personnages, même les plus ridicules. Il ne cherche pas à en faire des caricatures, mais des miroirs déformés de nous-mêmes. T’as pas changé prolonge ce regard tendre et lucide sur la nature humaine. C’est une comédie sur la fragilité, sur ces existences qui doutent mais continuent d’avancer. Il y a quelque chose de réconfortant à voir ces visages familiers évoquer nos propres doutes avec humour.
Note : 6.5/10. En bref, une comédie sincère, drôle et touchante sur le passage du temps et les amitiés qui résistent à la vie. Ce n’est peut-être pas un film majeur, mais c’est un film qui fait du bien — et parfois, c’est tout ce qu’il faut.
Vu en avant-première - Sorti le 5 novembre 2025 au cinéma
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