18 Octobre 2025
Elsbeth // Saison 3. Episode 2. Doll Day Afternoon.
Après un premier épisode consacré au monde de la télévision, la saison 3 d’Elsbeth poursuit son exploration des lieux où l’illusion est reine. Cette fois, la série nous conduit dans un grand magasin de jouets, un décor presque trop lumineux pour ce qui va s’y jouer. “Doll Day Afternoon” n’est pas une enquête classique : c’est un épisode qui interroge la part d’enfance que chacun garde en soi, et la manière dont elle peut resurgir au pire moment. L’ouverture est presque douce : un père cherche une poupée pour sa fille, un modèle rare d’une collection à succès. Mais très vite, la scène tourne au drame.
Nolan Hurst, ancien trader en quête de rédemption, se heurte à la cupidité d’un vendeur sans scrupules, Patrick Palmer. L’échange dégénère, un geste malheureux, une chute, et tout bascule. Ce n’est pas un meurtre prémédité, juste un accident lourd de conséquences. La série s’éloigne ici de son format habituel de who-catchems pour aborder la tragédie du quotidien : celle de quelqu’un qui agit mal pour de bonnes raisons. L’épisode tire une grande partie de sa force de son décor. Becker’s Toys, avec ses couleurs vives et ses rayons débordant de peluches, devient un théâtre du chaos. Là où tout devrait évoquer la joie et l’innocence, on assiste à une prise d’otages.
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Le contraste entre les rires enregistrés des poupées et la tension palpable est l’un des aspects les plus réussis de l’épisode. Elsbeth, en arrivant sur place, s’émerveille du magasin avant même de se pencher sur la scène du crime. C’est un moment presque attendrissant : son regard curieux, que certains prennent pour de la distraction, s’avère encore une fois sa meilleure arme. Elle comprend ce que d’autres ne voient pas : que la vérité se cache dans les détails anodins. Un morceau de nylon coloré, une poupée mal étiquetée, une vitrine mal rangée — autant de fragments qui, pour elle, racontent déjà l’histoire. Dans ce décor saturé d’objets symboliques, Elsbeth observe aussi les adultes redevenir des enfants.
L’un collectionne compulsivement des jouets pour combler une absence, l’autre refuse de perdre la face. Le magasin devient alors une métaphore du monde des grands : un espace où chacun rejoue, souvent sans s’en rendre compte, ses blessures d’enfance. Ce deuxième épisode marque aussi une rupture dans la dynamique habituelle de la série. Pour la première fois depuis longtemps, Elsbeth n’est pas accompagnée de Kaya Blanke — toujours absente après son départ en mission. À la place, elle collabore avec l’officier Summerville, jeune recrue enthousiaste mais maladroite. Ce duo inédit permet de redéfinir les rapports d’autorité et d’expérience.
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Summerville veut bien faire, mais ses erreurs — notamment celle de se faire désarmer par le suspect — rappellent à quel point Elsbeth agit dans un monde où les certitudes policières se fissurent facilement. En parallèle, l’arrivée du capitaine Tully, chef d’unité d’intervention, vient cristalliser une autre forme de tension : celle entre l’efficacité brute et la réflexion humaine. Là où Elsbeth cherche à comprendre, Tully veut “résoudre”. Pour lui, arrêter, c’est éliminer ; pour elle, c’est écouter. Ce désaccord structure l’épisode tout entier. Le face-à-face entre ces deux visions — l’une empathique, l’autre autoritaire — rappelle certains épisodes de la saison précédente, notamment “Ramen Holiday”, où l’enquête se déroulait dans un milieu carcéral tout aussi fermé.
Dans les deux cas, Elsbeth reste la même : une femme qui croit au dialogue, même quand tout pousse à la confrontation. Au cœur de cette tension, une scène se distingue : celle où Elsbeth improvise un procès miniature au milieu du magasin. Face à Nolan et aux otages, elle rejoue son ancien rôle d’avocate, défendant un accusé devant un jury… de peluches. Derrière l’humour de la situation, l’épisode touche quelque chose de plus profond. En jouant ce procès imaginaire, Elsbeth se confronte à son passé. Elle admet avoir souvent “trouvé un plus grand coupable” pour sauver ses clients, une méthode efficace mais moralement ambiguë.
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Ce moment de lucidité, mêlé à une touche de nostalgie, renforce la dimension introspective de la série : Elsbeth n’est pas une héroïne figée, mais une femme qui continue d’apprendre de ses propres zones grises. Ce clin d’œil à son passé d’avocate rappelle aussi les racines du personnage dans The Good Wife et The Good Fight. L’épisode semble d’ailleurs préparer le terrain pour une nouvelle intrigue : Elsbeth promet à Nolan de lui trouver une défenseuse de talent — une certaine Diane Lockhart. Le lien entre les univers de Robert et Michelle King n’a jamais été aussi explicite. L’un des fils conducteurs de cet épisode est la rivalité entre Tully et Wagner. Deux manières d’exercer le pouvoir, deux visions de la responsabilité. Wagner, toujours mesuré, incarne la rigueur tempérée par l’expérience.
Tully, lui, représente une police pressée, obsédée par le résultat. Leurs échanges, parfois drôles malgré la gravité de la situation, montrent comment l’ego peut être aussi dangereux qu’une arme. Elsbeth, placée entre ces deux figures masculines, agit comme un contrepoids. Elle ne cherche pas à s’imposer, mais à réintroduire du sens dans le tumulte. Là où Tully veut tirer, elle cuisine des gâteaux avec un faux four pour calmer les esprits. Ce décalage, typique de la série, révèle que la logique d’Elsbeth n’est pas celle de la domination, mais celle de la réconciliation. “Doll Day Afternoon” prolonge le travail amorcé par le premier épisode : celui d’un regard à la fois ironique et tendre sur les institutions américaines. Après la télévision, la police et la justice, voici le commerce de l’enfance transformé en arène morale.
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À travers cette diversité de lieux, Elsbeth continue d’explorer un même thème : comment l’individu résiste aux systèmes qui l’enferment. Si le rythme de cet épisode est plus chaotique, c’est aussi ce qui en fait la richesse. On passe du burlesque à la tension, du drame à la tendresse, sans jamais perdre le fil. L’écriture, toujours subtile, maintient l’équilibre entre l’absurde et l’émotion. En refermant ce deuxième épisode, on comprend que cette saison cherche à aller plus loin : moins d’enquêtes bouclées, plus de continuité, et surtout une réflexion sur ce que veut dire “aider” quand tout le monde agit pour de “bonnes” raisons. Elsbeth, fidèle à elle-même, ne juge pas. Elle observe, écoute, et trouve encore la lumière là où tout semble bloqué.
Note : 9/10. En bref, la série délaisse le simple jeu de l’enquête pour explorer, à travers une prise d’otages dans un magasin de jouets, la fragilité des adultes coincés entre culpabilité, autorité et nostalgie de l’enfance.
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