1 Novembre 2025
Elsbeth // Saison 3. Episode 4. Ick, A Bod.
Après les tourments intimes de Raquel Drabowski dans l’épisode 3, Elsbeth revient cette semaine avec une histoire plus légère en apparence, mais tout aussi révélatrice des travers humains. Cet épisode d’Halloween, situé dans une banlieue aussi parfaite qu’étouffante, explore un thème universel : la perte de contrôle — sur soi, sur les autres, sur l’image qu’on veut donner au monde. La série s’amuse d’abord avec le contexte de la fête. Fidèle à son excentricité, Elsbeth décide de célébrer “Halloweek” à sa manière, en portant chaque jour une tenue inspirée de My Fair Lady.
Les costumes, tout en rendant hommage à Audrey Hepburn, deviennent surtout un prolongement de sa personnalité : un mélange de fantaisie et de lucidité, une façon d’observer les autres en jouant les naïves. Ce choix vestimentaire, qui aurait pu n’être qu’un gag visuel, prend une portée plus symbolique. Comme Eliza Doolittle dans le film, Elsbeth reste une “étrangère” dans un monde aux codes rigides. Ses robes surdimensionnées et son accent approximatif soulignent ce décalage permanent : elle n’appartient pas vraiment à ce qu’elle étudie, mais c’est justement cette distance qui lui permet de voir clair là où les autres se perdent dans les apparences.
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L’épisode s’inscrit d’ailleurs dans une continuité thématique avec les précédents : après la marchandisation du deuil (épisode 3) et la culpabilité filiale (épisode 2), Elsbeth s’attaque ici à une autre illusion contemporaine — celle de la maîtrise totale de son environnement. L’intrigue prend place dans la banlieue de Sleepy Hollow, où une rivalité entre voisines dégénère. Beryl, nouvelle venue au tempérament libre, devient rapidement la cible de Sharon Norman, figure locale obsédée par l’ordre et la réputation. Ce microcosme, où l’on prône la convivialité tout en pratiquant la surveillance sociale, rappelle ces comédies américaines sur la “suburban life” que Elsbeth détourne ici en fable noire.
Sharon est de ces personnages qui veulent tout organiser — les fêtes, les voisins, la nature elle-même. Elle va jusqu’à distribuer un classeur de “règles de vie” aux nouveaux arrivants, comme si la bienséance pouvait se codifier. Beryl, artiste bohème, ne rentre évidemment pas dans ce cadre : elle peint nue, écoute de la musique, mange sans suivre les régimes en vogue. Très vite, leur opposition dépasse la simple querelle de voisinage. La tension atteint son paroxysme lors du célèbre labyrinthe d’Halloween, organisé pour les enfants du quartier. Beryl y tient le rôle de la “Cavalière sans tête”, clin d’œil à la légende locale.
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Sauf que, dans cette mise en scène macabre, la fiction vire au réel : Beryl est retrouvée décapitée. L’épisode ne cherche pas à entretenir le suspense. On comprend rapidement que Sharon est coupable — mais Elsbeth n’a jamais été une série sur le “qui”. Elle s’intéresse plutôt au “pourquoi”, et surtout au “comment” les gens s’enferment dans leurs propres illusions. Elsbeth et Donnelly mènent l’enquête avec la même dynamique complice qu’on a vue grandir depuis le début de la saison. Là où Donnelly s’agace de la lenteur apparente de sa partenaire, Elsbeth avance, mine de rien, en observant les détails, en laissant les autres s’exposer.
Comme toujours, elle joue la candide, feint la distraction, mais tisse patiemment sa toile. Dans le labyrinthe, elle piège Sharon avec un stratagème simple : un appel téléphonique au moment opportun, qui révèle que la meurtrière connaît trop bien les lieux pour être innocente. Ce moment, presque théâtral, montre toute la finesse du personnage — et son talent pour transformer l’excentricité en méthode. Derrière le ton ludique, l’épisode développe un fil rouge qui dépasse la seule intrigue criminelle : la question du contrôle. Sharon incarne la figure de celle qui veut tout régir — ses voisins, son mari, sa fille. Son obsession finit par se retourner contre elle, jusqu’à la détruire.
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Mais ce besoin de maîtriser les autres se reflète aussi ailleurs : chez le capitaine Wagner, par exemple, qui tente encore d’imposer ses choix à sa fille Julia. Cette mise en parallèle entre la banlieue ordonnée de Sleepy Hollow et le commissariat new-yorkais n’est pas anodine. Elsbeth rappelle que le contrôle, qu’il soit social ou familial, n’est qu’une illusion. Dans les deux cas, vouloir protéger ou organiser devient une manière de fuir la peur du désordre. On pense alors à l’épisode précédent, où Raquel Drabowski contrôlait sa propre narration publique jusqu’à en commettre l’irréparable. Sharon, à sa manière, fait la même chose : elle veut garder la main sur son image de “bonne voisine”, quitte à nier la violence qu’elle porte en elle.
Ce qui empêche Elsbeth de tomber dans le cynisme, c’est sa tendresse envers ses personnages. Même Sharon, dans toute sa rigidité, n’est pas présentée comme un monstre. On devine ses angoisses, son épuisement, sa peur du vide. Elle veut simplement que tout soit “comme avant”, dans un monde où plus rien ne lui échappe — ni sa fille, ni son mari, ni son statut social. Quant à Elsbeth, elle apparaît ici plus isolée que jamais. Ses costumes colorés, sa politesse excessive, tout cela ressemble parfois à une manière de masquer une certaine solitude.
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Quand elle observe les dynamiques de ce quartier fermé, on sent presque une forme d’envie : celle d’appartenir à un monde stable, même si elle en voit les failles. Avec cet épisode d’Halloween, Elsbeth poursuit sa réflexion sur les apparences et la fragilité humaine. Le meurtre n’est plus qu’un prétexte : il révèle les tensions invisibles d’une société obsédée par l’ordre, la conformité et la performance. Chaque épisode de cette saison 3 semble explorer une facette différente du même problème : comment rester sincère dans un monde qui exige que tout soit maîtrisé, filtré ou présenté sous son meilleur jour.
Note : 8/10. En bref, Elsbeth, avec sa maladresse apparente et son regard bienveillant, continue d’incarner le contraire : l’imprévu, la curiosité, la liberté. Et c’est sans doute pour cela que, sous ses airs d’épisode festif, ce quatrième chapitre trouve une résonance particulièrement juste.
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