13 Août 2024
Rosalie // De Stéphanie Di Giusto. Avec Nadia Tereszkiewicz, Benoît Magimel et Guillaume Gouix.
Le film Rosalie de Stéphanie Di Giusto, son deuxième long-métrage après La Danseuse, nous transporte dans un coin reculé de la Bretagne, à l'époque de l'après-guerre franco-prussienne, alors que la Troisième République émerge en France. Ce film poignant raconte l'histoire de Rosalie, une jeune femme dont la vie est marquée par une différence physique qu'elle cache désespérément : une pilosité excessive sur l'ensemble de son corps. À travers son parcours, le film explore les thèmes de la différence, de l'acceptation de soi et de l'amour, dans une société encore très conservatrice. Dès les premières images, Rosalie nous plonge dans une France rurale, où la vie est rude, surtout pour les femmes dont la condition est souvent précaire. Rosalie, bien que différente, aspire à mener une vie normale, à être aimée et acceptée pour ce qu'elle est vraiment.
Rosalie est une jeune femme dans la France de 1870 mais ce n’est pas une jeune femme comme les autres, elle cache un secret : depuis sa naissance, son visage et son corps sont recouverts de poils. De peur d’être rejetée, elle a toujours été obligée de se raser. Jusqu’au jour où Abel, un tenancier de café acculé par les dettes, l’épouse pour sa dot sans savoir son secret. Mais Rosalie veut être regardée comme une femme, malgré sa différence qu’elle ne veut plus cacher. En laissant pousser sa barbe, elle va enfin se libérer. Elle veut qu’Abel l’aime comme elle est, alors que les autres vont vouloir la réduire à un monstre. Abel sera-t-il capable de l’aimer ? Survivra-t-elle à la cruauté des autres ?
Sa rencontre avec Abel, un cafetier en difficulté financière qui l'épouse pour sa dot sans connaître son secret, est un tournant décisif. Cette union, qui commence sur une base fragile et intéressée, devient le cadre d'une quête d'authenticité et d'acceptation. Le personnage de Rosalie, interprété magistralement par Nadia Tereszkiewicz, incarne la souffrance et l'isolement que provoque la différence dans une société peu tolérante. Pourtant, malgré la douleur qu'elle endure, Rosalie se révèle être une femme d'une force incroyable, déterminée à s'affirmer et à vivre pleinement sa vie. Tereszkiewicz, avec une sensibilité et une intensité remarquables, parvient à transmettre toute la complexité de ce personnage en quête d'amour et d'acceptation. Benoît Magimel, dans le rôle d'Abel, joue avec brio l'homme simple et bienveillant qui doit progressivement accepter la vérité sur sa femme.
Son évolution au cours du film, passant de la surprise et de la gêne à une forme de compréhension et d'amour, reflète une transformation intérieure qui va au-delà des apparences. Magimel apporte à son personnage une profondeur qui fait écho aux dilemmes moraux auxquels il est confronté, rendant leur relation à la fois crédible et émouvante. La réalisation de Stéphanie Di Giusto est une véritable prouesse. Elle capte avec une grande précision l'atmosphère de la campagne bretonne, transformant les paysages en un élément clé de la narration. Les cadrages serrés sur les visages des personnages permettent de capter leurs émotions les plus profondes, tandis que les plans larges sur les décors naturels apportent une dimension presque poétique au récit. Di Giusto réussit ainsi à créer une ambiance unique, à la fois réaliste et onirique, où chaque détail visuel contribue à enrichir l'histoire. Rosalie se distingue par son traitement délicat et nuancé de sujets complexes comme la différence et la féminité.
Le film pose des questions importantes sur la manière dont la société perçoit ceux qui sortent des normes établies, et sur le prix à payer pour être soi-même dans un monde souvent impitoyable. La barbe de Rosalie, loin d'être un simple détail physique, devient un symbole puissant de sa lutte pour l'affirmation de soi et de sa liberté. Ce film, bien que certains critiques l'aient jugé académique ou anachronique, se révèle être une œuvre riche et profondément humaine. Il ne cherche pas à imposer une vision simpliste de l'acceptation, mais propose plutôt une réflexion subtile sur les mécanismes sociaux qui entravent la reconnaissance de la diversité. La mise en scène de Di Giusto, qui préfère la finesse à la confrontation directe, fait de Rosalie une fable moderne où la tolérance et l'amour triomphent des préjugés. Les performances des acteurs, notamment celle de Nadia Tereszkiewicz, soulignent la force émotionnelle du film.
Tereszkiewicz, avec son jeu tout en nuances, donne vie à un personnage complexe et touchant, tandis que Magimel et Biolay apportent chacun une contribution précieuse à cette œuvre singulière. Rosalie est un film qui résonne longtemps après le visionnage. Il nous invite à repenser nos préjugés et à embrasser la diversité sous toutes ses formes. En suivant le parcours de cette jeune femme courageuse, Rosalie nous rappelle que l'acceptation de soi est un combat quotidien, mais que l'amour, la tolérance et la compréhension peuvent surmonter les obstacles les plus difficiles. C'est une œuvre qui célèbre la beauté de la différence et la force de l'authenticité, un film à voir et à méditer.
Note : 8.5/10. En bref, un voyage émouvant vers l’acceptation de soi.
Sorti le 10 avril 2024 au cinéma - Disponible en VOD
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