Critique Ciné : Zion (2025)

Critique Ciné : Zion (2025)

Zion // De Nelson Foix. Avec Sloan Decombes, Philippe Calodat et Zebrist.

 

Certains films frappent fort non pas par des effets grandiloquents, mais par leur honnêteté. Zion, réalisé par Nelson Foix, entre clairement dans cette catégorie. Il ne cherche ni à enjoliver, ni à déformer : il expose. Il raconte une réalité peu visible, rarement montrée sans filtre, et surtout sans tomber dans les clichés grossiers qui collent souvent aux récits ultramarins dans le cinéma français. En général, lorsque les Antilles sont à l’écran, c’est à travers une imagerie de carte postale. Mer turquoise, musique en fond, ambiance légère. Mais ici, ce n’est pas de vacances qu’il est question. 

 

En Guadeloupe, Chris partage son temps entre deals, aventures sans lendemain et rodéos en moto. Repéré par Odell, le caïd du quartier voisin, Chris se voit confier une livraison à risque. Malgré la mise en garde de son meilleur ami, il accepte la mission. Mais le jour de la livraison, il découvre qu'un bébé a été déposé devant sa porte. Commence alors pour lui, une course infernale qui le mènera à un choix crucial...

 

Zion prend le contre-pied de cette vision aseptisée pour offrir un regard plus cru, plus réel, sur une société fracturée. Le film plonge dans un quotidien rythmé par des tensions sociales, des conflits violents, et une jeunesse qui tente de survivre dans un système qui semble l’avoir oubliée. Crack, violences policières, guerre de territoires : les sujets sont durs, mais traités sans voyeurisme. Ce n’est pas une provocation gratuite, c’est un témoignage visuel qui dérange parce qu’il touche juste. Ce qui frappe d’entrée, c’est la volonté du réalisateur d’ancrer son film dans une authenticité brute. 

 

Les comédiens, pour la plupart non professionnels, apportent une force supplémentaire à l’ensemble. Leurs interprétations ne sont pas parfaites, mais elles sont sincères, instinctives, et parfois même bouleversantes. Le créole est omniprésent dans les dialogues, ce qui donne au film une texture unique. Il ne s’agit pas ici d’un simple effet de style ou d’un clin d’œil identitaire. C’est un choix fort, qui permet de coller au plus près de la réalité qu’il dépeint. Et même sans tout comprendre mot à mot, l’émotion passe. Le spectateur est immergé dans cet univers, sans filtre, sans traduction édulcorée.

 

Dès les premières scènes, Zion installe une tension qui ne relâche quasiment jamais. Le rythme est soutenu, parfois nerveux, mais toujours maîtrisé. Il n’y a pas vraiment de répit, et cela fonctionne. Cette tension colle parfaitement à l’ambiance que Nelson Foix veut retranscrire : une société sous pression, des personnages constamment sur le fil. Le héros du film, dont le parcours est central, n’est ni totalement innocent ni totalement coupable. Il navigue dans une zone grise, pris entre ses choix passés et un présent qui le rattrape. C’est ce tiraillement intérieur qui donne de l’épaisseur au récit.

 

Ce qui est appréciable, c’est que Zion ne cherche pas à moraliser. Il expose des faits, des situations, des drames, mais ne les instrumentalise pas. Le film parle de violence, de pauvreté, de désespoir, mais aussi de choix, de résilience et, par moments, d’espoir. La fin en est une belle illustration. L’histoire prend un tournant plus intime lorsque le personnage principal décide, dans un geste de rédemption, de ne pas laisser un enfant suivre la même trajectoire que lui. Ce choix final, loin d’être anecdotique, donne une vraie dimension humaine à l’ensemble. 

 

Ce n’est pas un happy end forcé, mais une lumière qui s’allume au bout d’un tunnel long et sombre. Et ce message-là a un poids. Il est rare de voir un thriller d’action sortir des circuits traditionnels et s’imposer avec autant de sincérité. Le choix du décor guadeloupéen ne sert pas ici d’arrière-plan exotique. Il devient un personnage à part entière, avec ses rues, ses tensions, ses couleurs et ses contradictions. Visuellement, le film réussit à capturer cette atmosphère particulière. Les rues étroites, les zones abandonnées, les manifestations filmées au plus près du chaos : chaque plan semble pensé pour transmettre quelque chose de réel. 

 

La caméra colle aux corps, aux regards, à la sueur. Il y a une urgence dans la mise en scène, une volonté de coller au plus près du vécu. Zion n’est pas un film parfait, mais ce n’est pas ce qu’il cherche à être. Son intérêt se situe ailleurs. Il a le mérite d’exister, de porter un regard différent, de proposer une narration ancrée localement, sans surjouer ni caricaturer. Il ne ressemble à rien d’autre dans le paysage cinématographique actuel, et c’est sans doute ce qui le rend précieux. Toute l’histoire du bébé dans le caba démontre finalement cette envie de proposer quelque chose de réel tout en offrant une lueur d’espoir, notamment par la fin du film. 

 

Il montre que le cinéma peut aussi être un outil de visibilité, un miroir tendu vers des réalités trop souvent tues ou ignorées (notamment toute l’histoire du héros traumatisé par la mort de sa mère sous les coups de feu de la police). Et il le fait sans trahir les gens qu’il représente. Ce type de projet a besoin d’être encouragé. Pas uniquement pour sa portée artistique, mais aussi pour ce qu’il dit du besoin de renouveler les récits. Trop longtemps, les territoires ultramarins ont été relégués à des rôles secondaires dans les productions françaises, souvent à travers des prismes stéréotypés. Ici, c’est autre chose. 

 

C’est un film qui parle de l’intérieur, par ceux qui y vivent. Nelson Foix propose une autre manière de faire du cinéma, plus proche du documentaire dans l’intention, mais sans jamais oublier la narration. Il rappelle que l’on peut parler de sujets complexes sans les survoler, que l’on peut filmer la misère sans l’exploiter, et que l’on peut trouver de la beauté dans la douleur. En conclusion, Zion mérite l’attention. C’est un film qui prend des risques, qui tente autre chose, qui offre une vision rare. Il ne cherche pas à plaire à tout prix, mais à dire quelque chose d’essentiel, avec ses moyens, son style, sa voix. Et c’est ce qui fait sa force. 

 

Note : 9/10. En bref, un thriller brut et sincère ancré en Guadeloupe. Un thriller social et humain, à découvrir pour ce qu’il est : un cri du cœur et un regard franc sur un territoire trop souvent réduit à ses clichés.

Sorti le 9 avril 2025 au cinéma

 

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