17 Octobre 2025
Bad Man // De Michael Diliberti. Avec Seann William Scott, Johnny Simmons et Rob Riggle.
À première vue, Bad Man ressemble à un énième polar américain à petit budget : un agent armé, un meurtre dans une petite ville, une affiche sombre avec une silhouette armée sur fond de pylônes électriques. Le genre de film qu’on imagine déjà rangé dans la catégorie Direct to VOD. Et pourtant, le long-métrage de Michael Diliberti réserve une vraie surprise. Derrière son apparence de thriller poisseux, Bad Man est en réalité une comédie noire, aussi décalée que bavarde, portée par un Seann William Scott qu’on n’attendait pas forcément à ce niveau-là.
Un flic débarque dans une petite ville. Il s'oppose immédiatement à un député local au caractère bien trempé alors qu'ils tentent d'élucider un meurtre.
L’action se déroule à Colt Lake, une bourgade fictive du Tennessee où la vie s’écoule lentement, entre stations-service désertes et bars défraîchis. Un matin, le calme est brisé : un homme est retrouvé mort, littéralement écrasé par une voiture. Le genre de crime aussi brutal qu’absurde qui secoue une ville où, d’habitude, la plus grosse agitation vient du concours de chili annuel. L’enquête revient d’abord à Sam Evans (Johnny Simmons), un policier local au grand cœur mais à la méthode douteuse. Accompagné de son jeune adjoint DJ (Chance Perdomo), Sam tente tant bien que mal de comprendre ce qui s’est passé. Mais leur maladresse fait sourire plus qu’elle n’inspire la confiance.
Très vite, leur investigation est reprise en main par Bobby Gaines, un agent spécial envoyé par l’État, interprété par Seann William Scott. Gaines est tout le contraire de Sam : violent, autoritaire, sans patience, adepte des interrogatoires musclés et des raccourcis expéditifs. Ce duo improbable entre le flic local naïf et le fédéral brutal devient le cœur comique du film. Diliberti installe un ton fait de vannes sèches, de dialogues improvisés et d’une ironie mordante. Les personnages passent plus de temps à s’insulter qu’à résoudre quoi que ce soit, et c’est là que Bad Man trouve sa personnalité. Le scénario semble inspiré par les films de rednecks et de losers à la Coen, de Fargo à O’Brother.
Dès le début, un texte annonce que l’histoire est “inspirée de faits réels” — une affirmation aussi crédible que celle du Fargo original, évidemment. Mais ce clin d’œil donne le ton : Bad Man ne cherche pas la vraisemblance, il veut s’amuser avec les mythes du Sud américain. Entre deux interrogatoires grotesques, le film s’amuse à décrire la galerie d’habitants de Colt Lake : un dealer surnommé Dog, une jeune femme appelée Destiny (Jett Wilder) qui joue du banjo pendant les règlements de compte, un maire dépassé, et une fille de notable prénommée Izzy (Lovi Poe) dont Sam est secrètement amoureux. Chacun semble tout droit sorti d’un sketch, mais Diliberti réussit à rendre ce petit monde attachant, presque poétique dans sa bêtise.
Ce mélange d’humour et de misère sociale donne à Bad Man une atmosphère particulière. Le film n’a pas les moyens des grands thrillers hollywoodiens, mais il a quelque chose que beaucoup ont perdu : une vraie personnalité. La mise en scène joue sur le rythme, les silences, les insultes lancées du fond d’un pick-up. On sent un plaisir presque jubilatoire à filmer cette Amérique fatiguée, où tout le monde veut paraître dur mais personne ne sait vraiment pourquoi. Dans le rôle de Bobby Gaines, Seann William Scott signe l’une de ses meilleures performances depuis longtemps. Connu pour ses rôles comiques dans American Pie ou Goon, il troque ici le sourire de beauf pour un regard froid et fatigué.
Son personnage est un concentré de contradictions : à la fois autoritaire et pathétique, brutal et parfois drôle malgré lui. Scott réussit à faire de Gaines un “bad man” au sens littéral, mais aussi une caricature de virilité américaine. Il frappe d’abord, réfléchit ensuite, se prend pour un héros de film d’action alors qu’il navigue dans une histoire qui le dépasse. Derrière sa brutalité se cache une forme de vide, une solitude que Diliberti esquisse sans jamais la surligner. Face à lui, Johnny Simmons apporte une vraie tendresse à son personnage de flic paumé. Son duo avec Chance Perdomo fonctionne bien : l’un rêve d’être un héros, l’autre a déjà compris qu’il ne le sera jamais.
Ce trio masculin bancal donne au film un ton presque théâtral, où chaque réplique claque comme un punchline. Si Bad Man fonctionne si bien dans sa première moitié, c’est grâce à sa légèreté. Les scènes d’interrogatoire absurdes, les dialogues improvisés et les répliques de cow-boys du dimanche donnent une vraie énergie au film. Malheureusement, le scénario finit par retomber dans une intrigue plus conventionnelle. La deuxième partie devient un peu plus sérieuse, avec un enchaînement de meurtres, de trahisons et de révélations qu’on devine venir de loin. La réalisation, elle, reste sobre mais efficace. Michael Diliberti, connu jusqu’ici comme scénariste (30 Minutes Maximum), passe pour la première fois derrière la caméra.
Son sens du montage fait mouche : il coupe au bon moment, garde les gags nerveux et ne s’attarde jamais trop. On sent qu’il s’amuse à détourner les codes du film policier sans les détruire. Ce n’est pas un pastiche, mais un détournement doux, presque affectueux du genre. Le film se termine sur une note prévisible, mais sans trahir son ton. Même quand le mystère s’essouffle, la galerie de personnages garde le spectateur accroché. Ce n’est pas tant l’enquête qui compte que la route chaotique pour y arriver. Bad Man n’a pas l’ambition d’un grand polar, et c’est ce qui fait son charme. Michael Diliberti signe un premier long métrage plein de dérision, qui préfère rire du désespoir plutôt que de s’y noyer.
Le film parle de corruption, de masculinité, de violence banale — mais toujours avec un sourire en coin. C’est aussi une comédie sur la petitesse : celle d’un flic qui veut prouver qu’il existe, d’un agent d’État persuadé d’être le héros, d’une ville qui veut encore croire qu’elle compte sur la carte. Bad Man a quelque chose de profondément humain dans sa manière de montrer ces losers magnifiques, coincés entre leurs rêves et la réalité. Malgré quelques longueurs et une intrigue secondaire un peu bâclée, le film tient debout grâce à son ton : décalé, ironique, parfois absurde, mais toujours sincère. C’est un de ces projets sans prétention qui rappellent qu’un bon dialogue peut valoir tous les effets spéciaux du monde.
Bad Man est un polar comique du Sud américain, rugueux, drôle et parfois touchant. Ce n’est ni une révolution, ni une parodie, mais un petit film qui sait ce qu’il est. Seann William Scott y trouve enfin un rôle à sa mesure, entre humour noir et désespoir tranquille. Michael Diliberti, pour sa première réalisation, prouve qu’il comprend la force des personnages ratés et des situations absurdes. Bad Man n’essaie pas d’être cool, il l’est sans le vouloir. Et c’est peut-être pour ça qu’il marche.
Note : 6/10. En bref, Bad Man est un polar comique du Sud américain, rugueux, drôle et parfois touchant. Ce n’est ni une révolution, ni une parodie, mais un petit film qui sait ce qu’il est.
Prochainement en France en SVOD
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