26 Octobre 2025
Host // De Pairach Khumwan. Avec Thitiya Jirapornsilp, Veerinsara Tangkitsuvanich et Pisitpol Ekaphongpisit.
Host, le nouveau film thaïlandais d’Amazon Prime Video, n’a pas besoin d’explosions ou de monstres pour déranger. Sous ses airs de film d’horreur classique, il cache une tragédie plus intime, une plongée dans la cruauté humaine et la manière dont la souffrance finit par se transformer en mal absolu. Ce n’est pas un film de fantômes au sens traditionnel. C’est un miroir sale où se reflètent la peur, la honte et la vengeance. Tout commence avec Ing, une adolescente envoyée à la Pinijkhun Reform School, un établissement perdu sur une île censé “réhabiliter” les jeunes filles à problèmes. Le lieu se présente comme une école modèle, mais il s’avère rapidement être un camp de redressement autoritaire dirigé d’une main de fer par la directrice Prissana.
Ing est une jeune femme envoyée dans une maison de redressement sur une île isolée où la seule règle est l’obéissance. L’établissement fonctionne selon une hiérarchie stricte, avec l’élève favorite de la directrice au sommet et Ing tout en bas. Peu après son arrivée, une série d’incidents troublants commence à se produire. À mesure que ces événements inquiétants s’accumulent, Ing doit affronter une question terrifiante : est-elle simplement la victime de ces manifestations surnaturelles, ou pourrait-elle en être la source elle-même ?
Sous ses ordres, les règles sont dictées par une mystérieuse aînée nommée Aim, véritable figure d’intimidation et de manipulation. Le décor est posé : couloirs humides, repas en silence, humiliations collectives. L’ambiance est poisseuse, la peur omniprésente. On ne sait jamais si les cris viennent d’une élève punie ou d’autre chose. Car, au milieu de cette atmosphère de surveillance et de châtiment, des événements étranges commencent à se produire. Ing entend des chuchotements, des ombres passent derrière les vitres, et un esprit protecteur semble la suivre dans le noir. Mais là où Host se distingue, c’est qu’il ne s’agit pas d’une simple histoire de revenants.
Les véritables fantômes ici sont les vivants — ceux qui détiennent le pouvoir et l’utilisent pour détruire. Le réalisateur ne cherche pas à empiler les jump scares. Il installe plutôt un climat d’angoisse lente, presque étouffante. La peur naît de la manière dont les êtres humains traitent les autres quand ils croient avoir tous les droits. Le film montre, sans jamais insister lourdement, comment la domination s’infiltre dans les rapports humains : les gardiennes qui maltraitent les élèves, la directrice qui impose ses règles absurdes, et ces adolescentes qui, pour survivre, finissent par se trahir entre elles. Le message n’a rien de subtil, mais il frappe juste : la cruauté n’a pas besoin d’un démon pour exister.
Elle est déjà là, bien humaine. Et c’est peut-être ce qui rend Host plus dérangeant que prévu. Le cœur du film repose sur ses deux personnages principaux. Ing, interprétée par Baipor Thitiya Jirapornsilp, est d’abord présentée comme une victime. Fragile, solitaire, apeurée, elle porte en elle une douleur silencieuse. Mais au fil du récit, sa fragilité devient une arme. Elle découvre dans sa colère une force qu’elle ne soupçonnait pas, au point de flirter avec la folie. L’actrice parvient à rendre ce glissement presque invisible : on croit toujours qu’elle est sur le point de s’effondrer, alors qu’elle se transforme lentement en quelque chose d’autre.
En face, Aim, jouée par Veerinsara Tungkitsuvanich, incarne la figure du bourreau, mais pas seulement. Derrière ses actes cruels, on devine une jeune fille elle aussi piégée, conditionnée à reproduire la violence qu’elle subit. Elle est à la fois victime et oppresseur, et c’est là toute la complexité du film. Sa relation avec Ing est faite de haine, de peur et d’un étrange respect. À certains moments, elles se ressemblent tellement qu’on ne sait plus laquelle est la plus perdue. Cette dualité rend Host fascinant. Le bien et le mal ne sont jamais clairement séparés, et chacun semble contaminer l’autre. Le film s’appuie sur des éléments du folklore thaïlandais, notamment la figure du “protecteur spirituel”.
Ce n’est pas une simple superstition : ici, l’esprit devient le symbole de la survie psychologique. Il représente cette part de soi qui refuse de mourir, même quand tout semble perdu. Ce mélange entre croyance locale et drame social donne au film une identité propre. Plutôt que de s’appuyer sur des effets spéciaux ou des créatures numériques, le réalisateur mise sur l’atmosphère. Les salles de classe plongées dans la pénombre, le bruit des vagues autour de l’île, les portes qui grincent lentement : tout respire la solitude. À certains moments, le silence est plus glaçant que n’importe quel cri. Le film parvient à créer une peur presque physique, sans en montrer trop.
Sous la surface surnaturelle, Host raconte surtout l’histoire d’une culpabilité collective. Celle d’un système qui préfère briser les âmes plutôt que de les comprendre. Chaque personnage semble hanté, non pas par un fantôme, mais par sa propre honte. Le film montre comment la douleur, à force d’être tue, finit par muter en rage. Ing, à la fin, n’est plus seulement une victime. Son “esprit protecteur”, censé la défendre, devient à son tour une force destructrice. Ce renversement, où le salut devient malédiction, est sans doute l’idée la plus forte du film. Il rappelle qu’à trop vouloir se protéger, on finit parfois par devenir ce qu’on redoutait.
Certains spectateurs risquent de trouver Host trop lent ou trop sage pour un film d’horreur. Et c’est vrai : le scénario prend son temps, parfois trop. Le milieu du film souffre d’un certain creux, et certaines scènes paraissent prévisibles. Mais cette lenteur fait partie de son identité. Elle installe un malaise qui colle à la peau et prépare les émotions de la dernière partie, plus viscérale. Quand Ing finit par affronter son propre fantôme, au sens propre comme au figuré, le film touche enfin son but : faire ressentir, plus que faire peur. Visuellement, Host reste sobre.
La photographie est grise, terne, presque monochrome. Cela peut sembler plat, mais cette austérité correspond parfaitement au ton du film. Le peu de musique renforce le sentiment d’isolement. Le travail sonore, lui, est remarquable : les respirations, les bruits de pas, les craquements du bois, tout contribue à faire monter la tension. Il n’y a rien de spectaculaire, et c’est tant mieux. Tout repose sur l’atmosphère et les émotions. Là-dessus, le film réussit pleinement. Au fond, Host n’est pas un film d’horreur. C’est une tragédie sur la douleur et la vengeance, déguisée en récit surnaturel. Le surnaturel ne sert pas à effrayer, mais à exprimer ce que les mots ne peuvent pas dire : la peur d’être oubliée, la rage d’avoir été brisée.
C’est ce mélange entre réalité sociale, mythologie et émotion qui donne au film sa particularité. Il y a des imperfections, des moments convenus, des lenteurs. Mais il y a aussi une sincérité rare, une manière d’aborder la violence sans voyeurisme. À la fin, Host ne laisse pas trembler : il laisse réfléchir. Host est un film imparfait mais touchant. Une œuvre qui parle de harcèlement, de pouvoir, de honte, et de la manière dont la douleur se transmet d’une génération à l’autre. Ce n’est pas un festival de frayeurs, mais une expérience de cinéma lente, pesante, presque méditative.
Ceux qui cherchent un film de fantômes trouveront peut-être le rythme trop calme. Ceux qui cherchent une histoire humaine, ancrée dans le réel, y trouveront quelque chose de plus profond : la preuve que l’horreur, parfois, n’a pas besoin de monstres.
Note : 6/10. En bref, Host est un film imparfait mais touchant. Une œuvre qui parle de harcèlement, de pouvoir, de honte, et de la manière dont la douleur se transmet d’une génération à l’autre. Ce n’est pas un festival de frayeurs, mais une expérience de cinéma lente, pesante, presque méditative.
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